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IRLANDE

On sait fort peu de chose des premiers occupants de l'Irlande, que ce soit des communautés mésolithiques d'Ulster, des tribus néolithiques auxquelles renvoient les mégalithes de la Boyne, des populations de l'âge de bronze dont on repère la trace dans les monts Wicklow, et des vagues de guerriers celtes qui déferlent à partir du vie siècle avant J.-C. Les Gaëls, derniers venus, confèrent à l'Irlande sa physionomie première. Leurs traits dominants : une grande unité culturelle, linguistique, artistique et religieuse assurant à la société une cohésion que la colonisation mettra plusieurs siècles à éroder ; une turbulence politique et militaire endémique que ne viendra pas discipliner, comme en Gaule, l'influence de la Rome conquérante, ce qui mettra du même coup le pays à la merci des envahisseurs étrangers. Avant que ceux-ci ne se profilent à l'horizon, l'Irlande connaît, du vie au viiie siècle après J.-C., un âge d'or qui fait d'elle le pôle intellectuel et religieux d'une Europe encore enfoncée dans les ténèbres de la nuit barbare. Convertie en douceur à un christianisme qui se coule dans le moule de la vieille civilisation celtique, l'Irlande expédie aussi loin que Tarente et Kiev des nuées de saints et de missionnaires dans le même temps qu'elle se couvre de monastères et d'universités où s'élaborent les prémisses de la renaissance carolingienne. Le savoir et la foi sont un bien maigre rempart contre la convoitise des nouveaux envahisseurs : Vikings qui lancent des razzias et s'implantent en divers points de la côte dès le ixe siècle, et surtout chevaliers normands avides de nouveaux fiefs, qu'un roitelet local dépossédé commet l'imprudence d'introduire dans l'île dès 1169. Mais l'autorité du roi d'Angleterre, leur suzerain, est purement nominale et limitée dans l'espace. Quant aux barons anglo-normands, ils reculent ou s'assimilent, devenant « plus irlandais que les Irlandais mêmes ». L'avènement de la dynastie Tudor vient mettre un terme à cette semi-anarchie. Les révoltes sont matées, les barons repris en main et muselés, la conquête achevée par le fer et le feu. L'introduction de la Réforme vient imprimer à cette campagne d'asservissement le sceau d'une inexpiable guerre de religion.

Sous Jacques Ier, l'Ulster rebelle est mise au pas et livrée à la colonisation extensive. Une nouvelle révolte voit fondre sur l'Irlande le redoutable Cromwell et ses « Têtes Rondes » fanatisées. Le « protecteur » tente en vain de déporter tous les « sauvages irlandais » dans la province désolée du Connaught, de manière à pouvoir établir sur les meilleures terres ainsi libérées un colonat militaire de petits propriétaires puritains. C'est, à l'inverse, un régime aristocratique de grande propriété latifundiaire qui prend racine au sud, tandis que la région nord-est de l'Ulster devient un bastion de petits colons presbytériens. Ces deux piliers de la « garnison » anglaise en Irlande ne sont pas à l'abri des tentations. Exploitée économiquement par la métropole, l'aristocratie anglo-irlandaise profite de la révolte des colonies américaines pour arracher à Londres la liberté de son commerce et l'indépendance de son Parlement. Plus radicaux, les presbytériens d'Ulster se convertissent au jacobinisme exporté par la Révolution française et vont jusqu'à tendre la main aux catholiques. L'insurrection de 1798, noyée dans le sang, met un terme à ces errements et entraîne la promulgation de l'Acte d'union de 1800, qui fait à l'Irlande un sort paradoxal : elle est privée de liberté pour cause d'insubordination permanente, tout en se voyant reconnaître toutes les libertés accordées progressivement au reste du Royaume-Uni par suite du mouvement de démocratisation[...]

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Écrit par

  • : ancien directeur des études générales à l'université du Bénin, au Nigeria, auteur
  • : historien, docteur en droit, docteur honoris causa de la National University of Ireland et de l'université d'Ulster (Royaume-Uni)

Classification

Médias

Irlande, V<sup>e</sup>-VII<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Irlande, Ve-VIIe siècle

Assassinat du roi Brian Boru en 1014 - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Assassinat du roi Brian Boru en 1014

Henry Grattan, figure du parlementarisme irlandais - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henry Grattan, figure du parlementarisme irlandais

Autres références

  • AUTONOMIE

    • Écrit par
    • 4 125 mots
    ...revendication d'autonomie est posée. Elle procède en général de groupes allogènes minoritaires à la fois du point de vue ethnique, linguistique et religieux. C'est le cas des Irlandais dans leur lutte contre le Royaume-Uni à partir de 1801, date à laquelle William Pitt décide de fermer le Parlement...
  • AVORTEMENT

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    L’exemple irlandais est également instructif : en 1983, afin d’assurer que la pénalisation de l’avortement ne soit pas remise en cause, un « huitième amendement » fut ajouté à la Constitution par référendum. En 2018, de la même manière, le peuple irlandais vota la suppression de cette disposition (de...
  • BLASPHÈME

    • Écrit par
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    Laloi irlandaise, abrogée en 2018, mérite d’être citée tant sa définition réunissait tous les éléments évoqués (substance, virulence du propos, intention, conséquences). Elle définissait le blasphème comme une expression « grossièrement abusive ou insultante à propos de choses tenues pour sacrées par...
  • BRIAN BORU (941-1014) roi d'Irlande (1002-1014)

    • Écrit par
    • 144 mots
    • 1 média

    Fils de Cenneidigh, Brian Boru (ou Brian Borumha) devint roi de Munster (978), puis roi suprême (ard-ri) de l'ensemble du pays ; il se distingua dans la lutte contre les envahisseurs danois. En 968, Mahon, autre guerrier célèbre, battit les Danois à Sulchoit, près de Tipperary. Brian battit le...

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