IRLANDE DU NORD ou ULSTER
Failed entity, entité politique vouée à l'échec, séquelle d'une décolonisation inachevée aux yeux des uns, province assiégée du Royaume-Uni issue de l'exercice légitime du droit à l'autodétermination aux yeux des autres, l'Irlande du Nord trouve son fondement dans une loi britannique de 1920, le Government of Ireland Act. Elle donnait naissance, dans les six comtés de colonisation du nord-est de l'île, à un État-région bénéficiant, au sein du Royaume-Uni, d'un régime d'autonomie interne étroitement subordonné au Parlement impérial. Ses frontières, découpées de manière à assurer aux protestants unionistes pro-britanniques une durable hégémonie, englobaient un tiers de catholiques irlandais nationalistes, soupçonnés de déloyauté envers le nouvel État régional et, en tant que tels, traités en citoyens de seconde zone dans les domaines de l'emploi, du logement et de la représentation politique locale.
Aussi, l'histoire de cette société divisée, caractérisée par l'absence de consensus, fut-elle ponctuée à intervalles réguliers de violents soubresauts. À la fin des années 1960, une campagne non violente déclenchée par les catholiques en vue d'obtenir l'égalité des droits civiques avec les protestants dégénéra en un conflit sanglant entre police et armée britanniques, républicains irlandais et organisations paramilitaires loyalistes, ce dernier terme désignant les unionistes extrémistes partisans de la violence au nom de la défense de l'intégrité du Royaume-Uni. En près de trente ans, ce conflit a fait plus de 3 700 morts et 40 000 blessés.
En 1973, une première tentative de règlement politique sur la base d'un gouvernement d'union intercommunautaire buta sur l'intransigeance des loyalistes pro-britanniques. Coordonnant, plus de vingt ans plus tard, leurs efforts pour pacifier une situation jugée à tort inextricable, les gouvernements de Dublin et de Londres, épaulés par les États-Unis, obtiennent un cessez-le-feu des organisations paramilitaires impliquées dans les affrontements communautaires. L'accord de paix multipartite du 10 avril 1998, approuvé par référendum au nord et au sud de l'Irlande, institua à Belfast une assemblée régionale et un gouvernement d'union incluant les franges extrêmes du spectre politique nord-irlandais. En mai 2007, après des mois d'ajustements et de tergiversations, les postes de Premier ministre et vice-Premier ministre d'Irlande du Nord échoient au pasteur Ian Paisley, porte-parole de l'unionisme le moins conciliant, et à Martin McGuinness, membre des instances dirigeantes de l'Armée républicaine irlandaise (I.R.A.). Cet attelage d'apparence insolite témoignait de la volonté du plus grand nombre de tourner la page et de donner sa chance à la paix.
La partition
La partition trouve son origine juridique dans le Government of Ireland Act voté par le parlement de Westminster le 23 décembre 1920. Cette loi crée deux entités distinctes ayant chacune leurs institutions : l'Irlande du Sud, constituée par les vingt-six comtés de l'Irlande méridionale et nord-orientale ; l'Irlande du Nord, issue d'un morcellement de la province historique d'Ulster, comprenant les six comtés de colonisation d'Antrim, Armagh, Down, Fermanagh, Londonderry et Tyrone. Entériné par l'accord frontalier du 3 décembre 1925, ce découpage arbitraire, effectué à huis clos, au mépris des aspirations de la population qui ne fut consultée à aucun moment, avait essentiellement pour fin d'assurer la mainmise des protestants unionistes sur un territoire économiquement viable, où ils seraient assurés de disposer d'une confortable majorité. Pour être viable, la province devait cependant inclure en son sein une substantielle minorité catholique et nationaliste représentant environ un tiers de[...]
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Écrit par
- Pierre JOANNON : historien, docteur en droit, docteur honoris causa de la National University of Ireland et de l'université d'Ulster (Royaume-Uni)
Classification
Médias
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