IRLANDE DU NORD ou ULSTER
Une économie délabrée
Dans le domaine économique et social, la situation est rien de moins que critique. L'Irlande du Nord, qui fut à la pointe de la révolution industrielle avec ses orgueilleux chantiers navals et ses industries textiles prospères, entre dans une période de stagnation qui va durer jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Il y a 23 p. 100 de chômeurs en 1923, et 25 p. 100 durant les années trente. Les services sociaux sont quasi inexistants. Le système des « dépôts de mendicité » (workhouse), dénoncé en son temps par Charles Dickens, est toujours en place. Dans les campagnes, avant 1939, 85 p. 100 des habitations n'ont pas l'eau courante. La tuberculose est responsable de 50 p. 100 des décès dans la tranche d'âge des quinze - vingt-cinq ans.
La Seconde Guerre mondiale donne à l'économie nord-irlandaise une bouffée d'oxygène. L'Eire s'étant déclarée neutre, les ports d'Irlande du Nord acquièrent une importance vitale pour la protection des convois de l'Atlantique et l'acheminement des hommes et du matériel en provenance des États-Unis. L'Ulster se reconvertit dans la fabrication de matériel de guerre : 550 chars d'assaut, 150 navires totalisant 500 000 tonnes, 1 000 bombardiers sortiront des usines nord-irlandaises. Le chômage est pratiquement épongé. Les chantiers Harland & Wolff voient leur personnel passer de 7 300 en 1938 à 20 600 en 1945. Dans l'industrie, les emplois passent de 27 000 à 70 000. L'agriculture n'est pas en reste : les surfaces cultivées passent de 400 000 à 800 000 acres. Entre 1939 et 1948, les salaires doublent. Belfast, Londonderry et Larne deviennent des bases navales importantes ; Londonderry, notamment, devient une base américaine, au grand dam de Dublin ; Belfast est le centre de ralliement des navires de soutien des U.S. Western Forces qui couvriront le débarquement de Normandie. Rançon de son engagement total dans la guerre, l'Irlande du Nord subit quatre raids aériens au printemps de 1941 : le premier, qui survient le 15 avril, fait 700 morts et 1 500 blessés.
L'après-guerre est le temps des réajustements. Réajustement social par l'introduction progressive de la parité des services sociaux avec le reste du Royaume-Uni, réalisé aux dépens de l'autonomie financière de la province. Réajustement industriel par la promulgation en 1945 d'une loi portant sur le développement des nouvelles industries, qui rend possible l'implantation de 143 usines employant 21 000 personnes, et la reconversion de l'industrie textile moribonde dans les fibres synthétiques, dont l'Irlande du Nord devient le plus grand centre britannique grâce à l'implantation de puissants groupes industriels comme Courtaulds, Chemstrand, I.C.I., British Enkalon, DuPont de Nemours, etc. Dans le domaine politique, toutefois, on en reste aux stéréotypes obsessionnels du passé. La proclamation de la république d'Irlande en 1948 et les campagnes d'opinion contre la partition lancées par Dublin conduisent même les gouvernants nord-irlandais à raidir leur position et à requérir de Londres l'engagement solennel de ne pas modifier le statut de la province sans le consentement du Parlement de Stormont, exigence entérinée dans l'Ireland Act de 1949. De 1956 à 1962, une nouvelle campagne de l' I.R.A. (Irish Republican Army) ne bénéficiant d'aucun soutien dans la minorité catholique d'Ulster est facilement jugulée par les autorités de part et d'autre de la frontière. L'élimination du danger terroriste, le nouveau réalisme affiché par Dublin et la complémentarité des politiques de développement mises en œuvre par les gouvernements des deux Irlandes engagent le nouveau Premier ministre d'Irlande du Nord, le capitaine Terence O'Neill, à tenter un rapprochement, à[...]
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Écrit par
- Pierre JOANNON : historien, docteur en droit, docteur honoris causa de la National University of Ireland et de l'université d'Ulster (Royaume-Uni)
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Médias
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