IRVING PENN (exposition)
Présentée au Grand Palais du 21 septembre 2017 au 29 janvier 2018, la rétrospective Irving Penn marque l’anniversaire de la naissance du grand photographe américain (1917-2009). Elle donne à voir les séries devenues mythiques, tels ses « Portraits en coin », ses « Petits métiers » ou encore ses photographies de mode. Mais elle présente aussi un certain nombre d’œuvres moins connues qui jalonnent cette carrière longue de soixante-dix ans et commencée en 1938 après des études au Pennsylvania Museum and School of Industrial Art de Philadelphie. On peut ainsi suivre de près les tentatives, les évolutions, les ruptures opérées par ce photographe qui excelle dans la plupart des genres : photographie artistique, portrait, mode, nu, nature morte, voire reportage documentaire si l’on admet qu’il l’aborde sous l’angle singulier du portrait en studio.
Le sens de l’épure
L’exposition s’ouvre sur des photographies de rue – enseignes, ombres, graffiti – réalisées par le photographe en 1939, un an après avoir acquis son premier Rolleiflex. Des images aux accents surréalistes que l’on retrouvera plus tard dans certains clichés de mode. Dès les premières natures mortes qu’il imagine pour Vogue, en associant divers objets, Irving Penn témoigne d’un grand sens de la narration. Toujours pour Vogue, en 1947-1948, il réalise des portraits singuliers, « existentiels », de personnalités telles que Marcel Duchamp, Igor Stravinsky, Georgia O’Keeffe, Truman Capote, Spencer Tracy… Tous acculés malgré eux dans un angle improvisé par le photographe entre deux cimaises pour les déstabiliser, les pousser dans leurs moindres retranchements, faire tomber leurs défenses. Quant à Alfred Hitchcock ou Peter Ustinov, ils sont invités à poser inconfortablement assis sur des boîtes au sol recouvertes d’un tapis. Les portraits plus classiques qu’il réalisera entre 1948 et 1962 témoigneront aussi d’une mise en tension de ses modèles qu’il incite à s’engager pour saisir leur personnalité : l’œil noir d’agacement de Picasso, Marlene Dietrich surprise, plus vraie que nature, en majesté détrônée, Ingmar Bergman se frottant les yeux d’épuisement.
Prises en studio sur fond neutre, radicalement graphiques, sculpturales, découpées, les œuvres qu’il produit pour Vogue dans le domaine de la mode rappellent que Penn commença comme graphiste à Harper’sBazaar. Il excelle dans l’art de sublimer ses modèles, notamment sa muse, Lisa Fonssagrives, qui deviendra sa femme.
Au Pérou où il se rend en 1948 pour ses premières prises de vue de mode en extérieur, Irving Penn profite de son temps libre pour louer le studio en lumière naturelle d’un photographe de Cuzco. Là, il élabore sa formidable série de portraits de villageois en costumes traditionnels. De même, à Paris en marge de ses prises de vue pour les collections de Balenciaga, il réalise la première de ses séries des « Petits métiers » (1950-1951), Robert Doisneau lui servant alors d’assistant-rabatteur. Il en rapportera le rideau de théâtre gris usagé (présenté à l’exposition) devant lequel boulangers, garçons de café, facteurs, marchands de concombres posaient avec leurs outils ou leurs accessoires. Ce même fond neutre lui servira ensuite pour les petits métiers à Londres et à New York puis, toute sa vie durant, pour le portrait ou la mode, Penn logeant ainsi anonymes et célébrités à la même enseigne.
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Écrit par
- Armelle CANITROT : journaliste et critique photo
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