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ISAAC DE L'ÉTOILE ou DE STELLA (1100 env.-env. 1169)

Noble anglais, étudiant à Chartres et à Paris (avec les porrétains, Abélard et les victorins), puis moine cistercien à Pontigny, Isaac fut élu abbé de l'Étoile, près de Poitiers, où il reçut Thomas Becket, exilé par Henri II. Il fonda finalement dans l'île de Ré une installation plus austère, où il mourut.

Il nous reste de lui cinquante-sept sermons (dont cinquante-quatre publiés dans la Patrologie latine de Migne) et deux lettres. L'une, à Alcher de Clairvaux, est un traité sur la nature de l'âme. Cicéronien, avant saint Bernard, et platonisant, il y expose notamment que l'homme est du côté de l'esprit et de la curiosité, tandis que la femme est chair et volupté. Ces équilibres rhétoriques, sans constituer une philosophie, sous-tendent des réflexions mystiques. Elles nous transmettent un antique folklore au moment où achève de briller la théologie monastique devant l'émergence de la scolastique. Sa seconde lettre, à Jean de Bellême, évêque de Poitiers, porte sur le canon de la messe, dont elle donne un magnifique commentaire mystique. Isaac est l'un des plus grands orateurs du xiie siècle et un penseur des plus originaux. Sermons et lettres abordent facilement les sujets les plus techniques et les plus controversés de la théologie du temps, dans un latin toujours clair, aux périodes minutieusement calculées, aux symétries et aux antithèses éclairantes, où le recours à la pensée symbolique donne à l'ensemble une vigueur et une profondeur nouvelles. Le monde créé tout entier est comme le corps de Dieu ; ses membres sont solidaires, et il en est ainsi en particulier l'âme humaine, dont les qualités correspondent à celles des personnes de la Sainte Trinité ; divisé intérieurement par le péché, l'homme est réconcilié avec lui-même par l'Incarnation et par la Croix. L'eucharistie réalise l'union de tous les hommes avec Dieu selon une progression visible aussi bien dans les trois parties de la messe que dans les trois étapes de la vie spirituelle : conversion et pénitence, ascèse et vie vertueuse, vision unitive enfin, du Dieu révélé, où l'homme est restauré dans la ressemblance du Créateur. Le désir ne devient charité, l'intelligence ne parvient à la vérité que grâce à l'illumination et à l'amour divin. La vie monastique et particulièrement la vie cistercienne sont entièrement absorbées dans la contemplation et l'exercice de la charité. Isaac lui-même en est un exemple, sans qu'on sache si le conflit qui l'aurait opposé à ses supérieurs à la fin de sa vie (s'il n'est pas légendaire) vient de son attitude dans les querelles d'Henri II et de Thomas Becket, ou de l'abandon de l'Étoile pour un ermitage plus solitaire au nom de la retraite contemplative, ou encore d'une opposition à l'activité de saint Bernard qui n'aurait pas laissé de traces. Par bien des aspects, l'œuvre et la personnalité d'Isaac apparaissent comme une synthèse vigoureuse de courants et de domaines de réflexion avant lui autonomes : méthodes de l'exégèse allégorique de la Bible, de la spéculation dialectique, de la direction spirituelle ; commentaire de la liturgie (commentaires de la messe sous la forme de traités pour les clercs, commentaires des règles monastiques), analyse du dogme (polémiques et définitions autour de l'eucharistie et de la présence réelle, depuis l'époque carolingienne et à propos des hérésies de Bérenger de Tours, des cathares et des vaudois) et de l'ecclésiologie (place de l'Église et de la Vierge Marie dans l'économie de la charité et du salut). Situé au confluent des exigences intellectuelles de la dialectique enseignée par ses maîtres, de la tradition patristique et médiévale, et de la vie contemplative, son œuvre réalise une synthèse[...]

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