LURIA ISAAC (1534-1572)
Surnommé « Ha Ari » (le Lion sacré), Isaac ben Salomon Luria fut, avec Cordovero, la personnalité la plus impressionnante du centre kabbalistique de Safed. Il descendait d'une famille ashkénaze originaire de Pologne et d'Allemagne, venue s'installer à Jérusalem. Après la mort de son père, il fut conduit en Égypte, où il étudia sous la direction de Bezalel Askenazi et de David ben Salomon ibn Zimra, tout en se livrant au commerce. Il s'engagea alors dans l'étude de la kabbale en menant une vie ascétique sur une île du Nil, près du Caire, approfondissant le Zohar et les autres œuvres de la science ésotérique.
En 1561 ou 1570, il s'établit auprès de Cordovero à Safed. Dès lors, il élabore son propre système ; et, en 1570, après la mort de Cordovero, Hayym Vital est le principal et le plus célèbre des trente disciples qu'on lui connaît et qui étudient auprès de lui le Talmud et la kabbale. La tradition fait état à cette époque des révélations qu'il aurait eues du prophète Élie et de l'Esprit-Saint. Tout son enseignement demeure oral, qu'il s'agisse de la kabbale théosophique ou de ses méditations sur les prières et l'unification des sefirot. Luria meurt d'une épidémie, à Safed, le 13 juillet 1572.
Ses doctrines nous sont parvenues à travers quatre éditions différentes, si on laisse de côté les innombrables légendes répandues autour de sa personne. La première est celle de Moïse Jonas de Safed, qui est contenue dans le livre Kanfē Yōnah (Ailes de la colombe). L'exposé en est clair, mais il omet certaines doctrines, notamment celles du Ṣimṣūm (Contraction). Une autre tradition est celle de Joseph ibn Tabul, laquelle apporte plus de précisions sur le Ṣimṣūm que Joseph Vital lui-même. Ce dernier reste cependant la source fondamentale des enseignements de Luria ; il les a rassemblés dans son ‘Eṣ Ḥayyim (Arbre de vie), qui a été rédigé entre 1573 et 1576 et dont il existe différentes recensions ; l'une d'elles fut complétée par Samuel Vital, le fils de Joseph, sous le nom de Shěmonēh Shě‘arim (Les Huit Portes). Une dernière version des enseignements de Luria, résultant de l'entremêlement des trois précédentes avec une réinterprétation fortement marquée par le néo-platonisme, fut diffusée par Israël Sarug, qui est le véritable auteur des Limmūde Aṣilūt (Doctrines concernant l'émanation), publiées sous le nom de H. Vital.
La kabbale lurianique marque un retour offensif du courant gnostique dans l'histoire de la kabbale. Elle substitue à l'idée d'une émanation conçue comme une manifestation progressive du Dieu caché (‘En Sōph) l'idée selon laquelle l'acte premier du drame de la Création fut une occultation et une limitation du divin, opération qui, nommée Ṣimṣūm (Contraction), fait émerger les racines de la rigueur (Dīn) et permet au monde d'exister. Ce n'est qu'après cet acte de retrait donnant place à ce qui va être créé que de Dieu émane une mesure cosmique qui, en se liant à un résidu de la lumière divine, entame un processus dialectique d'où procéderont tous les mondes.
Le premier être qui procédât de la lumière fut l'« Adam Kadmon » (le Proto-Anthropos). Une deuxième doctrine fondamentale est celle de la « brisure des vases » (Sevirrat ha-Kēlim). À un certain moment du processus, les lumières des sefirot durent être captées dans des vases spécifiques. Si tout s'est bien passé pour les trois premiers niveaux d'être, il n'en alla pas de même des suivants : les vases destinés à les emmagasiner ne purent supporter la lumière des six dernières sefirot (la difficulté étant moindre, mais réelle encore, pour le septième vase), et ils se brisèrent. Une partie de la lumière remonta, tandis que le reste se répandait en bas, parmi les [...]
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Écrit par
- Roland GOETSCHEL : professeur des Universités, directeur du département d'études hébraïques et juives de l'université de Strasbourg-II, professeur associé à l'Université libre de Bruxelles
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