NEWTON ISAAC (1642-1727)
La philosophie naturelle
Newton concevait son travail scientifique comme faisant partie de ce qu'il appelait la « philosophie naturelle », qui n'est pas une simple reprise du thème galiléen du livre de la nature, mais s'insère dans le courant néoplatonicien de Cambridge. S'il s'inspire de Descartes, par une certaine conception de la raison et du rôle des mathématiques, c'est aussitôt pour s'en démarquer, et les Principia sont en grande partie une réfutation des Principes de philosophie.
Son platonisme transparaît dans sa conception des mathématiques exprimant la vérité et la réalité du monde qui transcende les apparences, telle qu'il l'exprime notamment dans les définitions des grandeurs « vraies et mathématiques », comme l'espace et le temps absolus, qui sont la condition de leur mathématisation.
Cependant, la doctrine explicite de Newton, telle qu'il l'a exposée dans ses « Règles du raisonnement en philosophie » du livre III des Principia, se présente comme une méthodologie positive dont les attendus ont été longtemps considérés comme universels pour la science. « Nous ne devons admettre plus de causes aux choses naturelles qu'autant qu'elles soient vraies et suffisantes pour expliquer leurs apparences. » « Aux mêmes effets on doit, autant que possible, assigner les mêmes causes. » L'induction est une généralisation à partir des phénomènes, et l'on ne doit pas multiplier les hypothèses. Son « hypotheses non fingo » ne signifie pas le rejet de toute hypothèse théorique, ce qui contredirait sa propre attitude scientifique, mais le refus de spéculations simplement logiques, étrangères à la considération des phénomènes.
Newton prône la méthode de l'analyse et de la synthèse, étant entendu que la première doit précéder, en science, la seconde – c'est-à-dire l'essai d'explication des phénomènes, ou encore le rassemblement des propriétés analysées dans une perspective qui réincorpore l'unité.
Sur la force d'attraction universelle qui agit instantanément à distance, il soutint, contre ceux – les cartésiens – qui l'accusaient de revenir aux qualités occultes, que l'important était qu'elle fournît le moyen de faire des prédictions mathématiques, mais il ne se prononçait pas sur la nature du mécanisme par lequel cette force agissait. Ce débat devait contribuer à susciter, au xviiie siècle, l'apparition de nouveaux principes d'intelligibilité et une refondation de la question de la rationalité scientifique.
La philosophie naturelle comporte la question du Dieu créateur, dont Newton voyait la preuve dans l'organisation du système du monde, et qu'il évoque dans la scholie générale qui figure à la fin du livre III des Principia. Son « Être intelligent et puissant, [qui] gouverne toutes choses non comme l'âme du monde, mais comme Seigneur de tout ce qui est », est absolument parfait, éternel et infini. Sa conception de l'espace comme sensorium Dei, à travers lequel se communique instantanément l'attraction universelle, est liée à l'idée de ce Dieu qui préside à la durée et à l'espace et qui les constitue, conforme à la doctrine de More. Nous ne pouvons nous faire aucune idée de la substance de cet Être, et nous ne le connaissons que par sa « Seigneurie » sur les choses et sur nous-mêmes, par sa Providence et ses causes finales.
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Écrit par
- Michel PATY : directeur de recherche émérite au CNRS
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