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ADJANI ISABELLE (1955- )

Star pour les uns, antistar pour d'autres, Isabelle Adjani a tenu, à sa manière, le devant de la scène médiatique du milieu des années 1970 à la fin des années 1980. Née en 1955 à Gennevilliers d'un père algérien et d'une mère allemande, elle obtient son premier rôle au cinéma à quatorze ans (Le Petit bougnat, Bernard Toublanc-Michel, 1969), mais c'est au théâtre qu'elle se révèle très précocement douée : à seize ans elle interprète Agnès dans L'École des femmes de Molière (Raymond Rouleau, TV) et Robert Hossein la fait jouer dans La Maison de Bernarda de Federico Garcia Lorca (Théâtre de Reims). À moins de dix-huit ans elle intègre la Comédie-Française (Ondine de Giraudoux, Port-Royal de Montherlant, à nouveau L'École des femmes). Mais le cinéma la réclame : elle est très séduisante en jeune fille de son temps tenant tête à son père (La Gifle, Claude Pinoteau, avec Lino Ventura, 1974). Isabelle Adjani quitte alors le Français deux ans à peine après y être entrée pour incarner la fille de Victor Hugo (Adèle H., François Truffaut, 1975). Elle a trouvé sa voie : des héroïnes passionnées (jusqu'à la folie), possédées, intenses, des univers insolites et de grands metteurs en scène : Roman Polanski (Le Locataire, 1975), André Téchiné (Barocco, 1976 ; Les Sœurs Brontë, 1978), Werner Herzog (Nosferatu, 1978), cette tendance culminant avec les relations sexuelles qu'Anne entretient avec une « chose » monstrueuse au milieu du sang, de la violence et de l'hystérie spiritualiste de Possession (Andrzej Zulawski, 1981). C'est le sommet de sa carrière et le prix d'interprétation au festival de Cannes lui est attribué pour deux films à la fois : Possession et Quartet.

C'est aussi un tournant. Car l'esthétisme, la sophistication et la sensibilité qui caractérisent le Paris des années 1920 filmé par James Ivory vont l'emporter, dans ses choix suivants, sur le dangereux flamboiement des rôles immenses des années précédentes et Isabelle Adjani tourne désormais avec Jacques Monnet, Jean-Loup Hubert, Alain Berbérian, Philomène Esposito ou Luc Besson (un rôle secondaire dans Subway). On la voit alors davantage sur la couverture des magazines qu'au cinéma. Elle retourne au théâtre pour interpréter le rôle-titre de Mademoiselle Julie de Strinberg (1983), mais elle n'assure que quelques représentations. En revanche, elle triomphe dans La Dame aux camélias en 2000. Quelques années plus tard, à la télévision, son interprétation de la comtesse dans Le Mariage de Figaro (Beaumarchais) n'est guère convaincante et il est triste de la voir errer sur la plage de Nice, sans réel personnage à défendre, dans La Repentie (Laetitia Masson, 2001). De même son personnage frivole d'actrice célèbre maîtresse de ministre ne comprenant rien à la Débâcle de 1940 (Bon voyage, Jean-Paul Rappeneau, 2003) est un peu décevant. Les deux films dont elle a monté elle-même la production sont plus intéressants : Camille Claudel (Bruno Nuytten, 1998) dans le rôle-titre et Adolphe (Benoît Jacquot, 2002) dans celui inspiré de Germaine de Staël lui permettent en effet de retrouver le romantisme échevelé des productions de la fin des années 1970. Malgré ce goût d’inachevé, on garde en mémoire de superbes scènes dans La Reine Margot (Patrice Chéreau, 1994), une atmosphère inquiétante dans Mortelle Randonnée (Claude Miller, 1982), voire quelques éclairs de démence dans le trop sage Été meurtrier (Jean Becker, 1983). En 2009, avec La Journée de la jupe, de Jean-Paul Lilienfeld, lsabelle Adjani renoue avec le succès populaire et rompt avec les personnages féminins qu’elle avait créés jusqu’alors.

— René PRÉDAL

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

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