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HUPPERT ISABELLE (1953- )

Le principal objet de désir offert à une actrice reste encore aujourd'hui une certaine idéalisation de son image, et son plus beau rôle semble être de représentation. Isabelle Huppert en a choisi un autre : celui de comédienne en action, au travail. Avec une capacité inégalée à multiplier les expériences, elle a tracé un chemin fait d'exigence et d'inventivité, ne fuyant pas les feux de la célébrité, mais brillant d'abord par des qualités d'interprète qui lui ont valu la reconnaissance des cinéastes et du public. Longtemps jugée trop « intellectuelle », Isabelle Huppert a fini par réaliser son désir : ne pas plaire en tant que femme, mais en tant qu'actrice.

La part de l'ombre

Cette carrière peu ordinaire commence pourtant de la manière la plus traditionnelle qui soit. Isabelle Huppert est née à Ville-d'Avray le 16 mars 1953. Après le Conservatoire d'art dramatique de Versailles, où elle a passé son enfance, celui de Paris, elle tient une série de petits rôles, parfois marquants (Les Valseuses de Bertrand Blier, 1974 ; Dupont-Lajoie d'Yves Boisset, 1975 ; Le Juge et l'assassin de Bertrand Tavernier, 1976). C'est La Dentellière (1977, d'après le roman de Pascal Lainé) de Claude Goretta, qui la révèle : dans le rôle d'une jeune fille sage, silencieuse et douce, mais dévastée par l'amour, elle se distingue par un jeu qui, sans cesser d'être expressif et sensible, ne cède jamais à la lisibilité, à l'évidence. Douée pour suggérer l'insaisissable, elle apparaît comme l'incarnation rêvée d'un mystère féminin, trouble mélange de fascination et d'effacement, de fragilité et de menace. Cela n'échappe pas à Claude Chabrol. Avec lui, elle sera Violette Nozière (1978), l'énigmatique criminelle des années 1930, et dix ans plus tard, dans Une affaire de femmes, une avorteuse condamnée à mort sous le régime de Vichy, puis une postière prête à faire le bien comme le mal dans La Cérémonie (1995), et une respectable industrielle tout entière au service (de la mort) des autres dans Merci pour le chocolat (2000). De cette collaboration, également marquée par une adaptation de Madame Bovary (1991), par la comédie grinçante Rien ne va plus (1997) ou encore par L'Ivresse du pouvoir (2006), sur les milieux d'affaires, Isabelle Huppert dit, dans un documentaire que lui a consacré Serge Toubiana (Une vie pour jouer, 2001) : « Chabrol, c'est l'art de la part cachée. » Une remarque qui éclaire également cette volonté qu'elle a souvent exprimée : ne pas jouer des personnages (parfaitement écrits et explicités), mais des personnes, c'est-à-dire des êtres qui ont encore une part d'ombre, d'irrésolution, et qui nous touchent en même temps qu'ils nous échappent.

Cette ambition s'est affermie au fil d'une suite de rencontres avec des cinéastes qui placent également la plus haute ambition en leur art : Jean-Luc Godard (Sauve qui peut la vie, 1979 ; Passion, 1982), Maurice Pialat (Loulou, 1980), Michael Cimino (La Porte du paradis, 1980), Bertrand Tavernier (Coup de torchon, 1981), Benoît Jacquot (Les Ailes de la colombe, 1981 ; L'École de la chair, 1998 ; Pas de scandale, 1999 ; Villa Amalia, 2009), Joseph Losey (La Truite, 1982), Marco Ferreri (L'Histoire de Piera, 1983), Andrzej Wajda (Les Possédés, 1988), Jacques Doillon (La Vengeance d'une femme, 1989), Werner Schroeter (Malina, Deux, 2002), Patrice Chéreau (Gabrielle, 2005), Paul Verhoeven (Elle, 2016). Ou encore Michael Haneke, qui, avec La Pianiste (2001, d'après le roman d'Elfriede Jelinek), a donné à Isabelle Huppert son rôle le plus spectaculairement secret, celui d'une femme aux prises avec la beauté (de la musique, et de l'élève à qui elle l'enseigne), avec la jouissance et avec la douleur.[...]

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