DUNCAN ISADORA (1878-1927)
La missionnaire de la danse libre
En 1899, Isadora Duncan quitte les États-Unis et part pour l'Europe. Á Londres, elle rencontre Andrew Lang (1844-1912), écrivain, anthropologue et traducteur d'Homère. Il ravive son goût pour l'Antiquité grecque, qui, mythifiée, sera la source principale de son inspiration chorégraphique. Elle sillonne ensuite l'Europe, où elle fascine la plupart des artistes de l'époque. À Paris, elle rencontre Auguste Rodin dans son atelier en 1900, donne un récital public au théâtre Sarah Bernhardt, y rencontre sa compatriote Loïe Fuller pendant l'Exposition universelle, avant de partir pour Berlin, Leipzig et Munich. En 1903, elle publie, à Leipzig, son manifeste La Danse du futur, et part enfin en Grèce, avec son frère Raymond (1874-1966) et sa sœur Elisabeth (1871-1948). Ils essaient de ranimer l'esprit de l'Antiquité, en entreprenant l'édification d'un temple à l'antique, qui restera inachevé, et tentent de faire revivre la tragédie grecque en montant Les Suppliantes d'Eschyle. En 1905, Isadora arrive pour la première fois en Russie. Elle y rencontre la plupart des artistes qui formeront les Ballets Russes : Mathilde Kschessinska (1872-1971), Anna Pavlova (1881-1931), Michel Fokine (1880-1942), Serge de Diaghilev (1872-1929), Igor Stravinski (1882-1971), ainsi que le célèbre rénovateur du théâtre, Constantin Stanislavski (1863-1938). Elle visite l'École impériale de Ballet, assiste à un cours de Marius Petipa (1818-1910) qu'elle commente ainsi : « Le but de tout cet entraînement paraissait être une coupure complète entre les mouvements du corps et ceux de l'âme... c'est justement le contraire de toutes les théories sur lesquelles j'ai basé ma danse. »
De retour à Berlin, la même année, elle fait la connaissance du metteur en scène britannique Edward Gordon Craig (1872-1966), qui a une influence considérable sur les mutations de l'art dramatique. Avec lui elle entretient une passion amoureuse pendant quelques années et en aura, en 1906, une fille, Deirdre. C'est alors qu'elle fonde une école à Grünewald, dans la banlieue de Berlin. Elle en confie la direction à sa sœur Elisabeth, pendant qu'elle monte à Bayreuth, à la demande de Cosima Wagner, les danses de « Tannhäuser » de Richard Wagner (1813-1883). Elle parcourt l'Europe, retourne aux États-Unis où elle donne Iphigénie, d'après les deux opéras de Christoph Willibald Gluck (1714-1787), ainsi qu'un récital, en décembre 1908, au Metropolitan Opera (New York). Elle retrouve ensuite Paris, qui restera son point d'attache jusqu'en 1914, où elle est toujours la diva adulée de ses débuts. Elle inspire les peintres André Dunoyer de Segonzac (1884-1974), Maurice Denis (1870-1943) et, surtout, le sculpteur Émile-Antoine Bourdelle (1861–1929) qui lui consacrera le grand décor réalisé, entre 1910 et 1912, pour la construction du théâtre des Champs-Élysées à Paris. Elle y rencontre également le riche américain Paris Singer (un des fils de l'inventeur de la machine à coudre) avec qui elle aura un fils, Patrick, en 1911. Elle ouvre une école à Meudon Bellevue, dans la banlieue parisienne, en 1909, donne une série de récitals, et présente ses élèves au Trocadéro. La noyade de ses deux enfants dans la Seine, en 1913, marque un tournant tragique dans sa carrière. Elle reprend ses voyages, notamment pour des tournées aux États-Unis, ouvre une école en 1915 à New York, et improvise La Marseillaise au Metropolitan Opera.
En 1921, Duncan est invitée par Anatoli Lounatcharsky (1875-1933), Commissaire du peuple à l'Instruction publique d'octobre 1917 à 1929, à créer une école à Moscou (qui fermera en 1929, en même temps que tombera en disgrâce Lounatcharsky). Elle la confie à l'une de ses anciennes élèves, Irma Ehrich-Grimme (1897-1977) qu'elle autorise[...]
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Écrit par
- Agnès IZRINE : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse
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