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BERLIN ISAIAH (1909-1997)

Né à Riga, installé dès 1919 en Angleterre, sir Isaiah Berlin étudia la littérature classique, la politique, la philosophie et l'économie à l'université d'Oxford où il est le condisciple de John Austin. D'abord diplomate à l'ambassade de Grande-Bretagne à Washington, il fraie avec sir Winston Churchill auquel il consacrera l'un de ses innombrables portraits (Personal Impressions, 1980). De sa rencontre avec Boris Pasternak et Anna Akhmatova, alors qu'il était détaché à Moscou en 1945, naîtront Les Penseurs russes (Russian Thinkers, 1979).

Isaiah Berlin enseigne ensuite la théorie sociale et politique à Oxford de 1957 à 1967. L'empirisme et l'analyse du langage de l'école d'Oxford ne l'attirent pas plus que le marxisme, même s'il consacre son premier livre, en 1939, à Karl Marx. Premier Fellow juif du All Souls College d'Oxford, il sera également président de la British Academy, membre honoraire de l'American Academy of Arts and Letters, du National Institute of Arts and Letters. Les prix Érasme, Jérusalem, et Agnelli couronneront ses travaux sur la philosophie des Lumières, du romantisme et du nationalisme allemand (The Age of Enlightenment. Century Philosophers, 1956 ; Vico and Herder, 1976 ; Le Bois tordu de l'humanité. Romantisme, nationalisme et totalitarisme, 1990, trad. franç. 1992).

« Qu'est-ce que les Lumières ? » interrogeait Kant. Les philosophes du xviiie siècle, rejetant la révélation, reconnaissaient l'existence d'une nature humaine immuable et l'autonomie de la raison humaine. Méconnaissant le « bois tordu » dont est faite l'humanité, ils croyaient pouvoir restaurer une « société parfaite » et la méthode des sciences de la nature, fondée sur l'observation, devait pouvoir s'appliquer également aux jugements de valeur. Rationaliste libéral, convaincu que les hommes peuvent modifier le cours de l'histoire et de la politique, Isaiah Berlin s'attache pourtant dans ses ouvrages, à souligner la réaction contre les Lumières. Ainsi, en Allemagne, Hamann et ses disciples Herder et Jacobi, rejetant la conception moniste d'un univers quantifié régi par un progrès continu, au profit du particulier, de l'existence, du sentiment, furent-ils les précurseurs du mouvement romantique Sturm und Drang (Le Mage du Nord, critique des Lumières, J. G. Hamann, 1730-1778, 1993).

En France, la réaction principale vint d'un autre « prophète » : Joseph de Maistre. « Lumière vacillante », la raison ne saurait guérir l'homme de son agressivité naturelle : l'État, vénéré à l'instar de la religion, doit lui imposer les chaînes sans lesquelles il n'est point de salut. Sa liste des ennemis de la « secte » qui se fient à la raison individuelle ou à la conscience ressemble fort à celle que dresseront les fascistes. Autre pourfendeur des Lumières, Georges Sorel, hostile à l'idée de progrès de l'humanité, insista sur le rôle de l'irrationnel dans la pensée et l'action humaines, appelant la classe prolétarienne, seule susceptible de créer de nouvelles valeurs, à la révolution.

En montrant dans la Scienza Nuova l'impuissance de la raison naturelle en matière d'histoire, Giambattista Vico, lui, marque le divorce entre sciences exactes et sciences humaines : seule l'imagination (fantasia) permet une intelligence compréhensive du passé.

Quant aux concepts de Volksgeist et de Nationalgeist forgés par Herder, ils préludèrent à la naissance de cet autre rejeton de la révolte romantique : le nationalisme. La croyance en la mission d'une nation prétendument supérieure, niant la pluralité, l'humanité commune, l'universalité du droit, est à l'origine de l'exacerbation des nationalismes contemporains, rançon de siècles d'oppression.[...]

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