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ISAÏE (VIIIe s. av. J.-C.)

Le Second- ou Deutéro-Isaïe

Le prophète anonyme responsable des chapitres xl à lv du Livre d'Isaïe a vécu à la fin de l'exil babylonien, au vie siècle avant J.-C., en terre étrangère. Son intervention se situe entre les années 550 et 538, c'est-à-dire entre les premiers grands succès remportés par le souverain perse Cyrus et la victoire définitive de celui-ci contre Babylone. On sait fort peu de chose de lui ; les textes font une allusion à sa vocation (chap. xl) et peut-être à ses souffrances, si les cantiques du Serviteur (chap. xlii, l et liii notamment) le concernent. Son style est beaucoup plus chaleureux, passionné, plus « romantique » que celui du prophète du viiie siècle ; les formules hymnologiques et les oracles de salut abondent dans ses déclarations. Le plan de son livre est difficile à établir, car ce sont sans cesse les mêmes thèmes et les mêmes expressions qu'on retrouve dans ces chapitres.

Le message du Second-Isaïe est essentiellement un message de salut. Il s'ouvre de façon significative par le verbe « consoler » (chap. xl) et continue par une série de paroles qui ont trait à la fin de l'exil et au retour des déportés juifs en Terre sainte. Le prophète prévoit la chute de Babylone (chap. xlvi et xlvii), il annonce un nouvel exode sous la conduite de Yahvé lui-même (chap. xli, xliii et lii), il sait que Cyrus est l'oint de Dieu et que ses succès ont pour but la reconstruction du temple de Jérusalem (chap. xliv et xlv). Le Proche-Orient tout entier est bouleversé pour permettre la libération du peuple de Yahvé.

Mais le prophète se heurte à l'incrédulité, au découragement, à la mauvaise conscience de ses auditeurs. Les exilés doutent que leur Dieu veuille et puisse agir en leur faveur ; la fin de Juda n'a-t-elle pas prouvé son impuissance face aux divinités étrangères et sa colère vis-à-vis d'une nation infidèle à l'alliance ? Le Deutéro-Isaïe est obligé de reprendre son message, de répondre aux objections, d'argumenter ; c'est dans cette perspective qu'il insiste sur le fait que Yahvé aime toujours Israël et lui conserve sa faveur, ou encore que le Dieu d'Israël a créé l'univers et que rien ne s'oppose à la réalisation de ses projets. Si le prophète parle constamment de l'unicité de Yahvé, c'est qu'il y va du salut de son peuple : le Dieu d'Israël ne peut partager avec aucun autre le privilège d'être Dieu ; le sort final d'Israël et celui de l'humanité en dépendent. Le but ultime de l'intervention divine en faveur des exilés juifs en Babylonie est, en effet, la révélation de la grandeur unique de Yahvé à la terre entière ; les nations et l'univers doivent s'associer dans une commune louange du Dieu créateur et sauveur d'Israël (chap. xliv, xlv, xlviii et lv).

Aux thèmes déjà relevés (le salut du peuple de Yahvé, l'élection d'Israël, la création de l'univers, la conduite de l'histoire par Yahvé et sa révélation finale au monde), il faut ajouter celui du serviteur de Yahvé, dont quatre « cantiques » font état (chap. xlii, xlix, l, lii et liii). Le prophète évoque dans ces chants un personnage mystérieux, en qui on a vu tantôt Israël lui-même, tantôt un membre du peuple élu (un prophète ou un roi, un nouveau Moïse, le Second-Isaïe lui-même, le Messie), dont l'activité contraste avec celle de Cyrus et la complète. Par l'humilité, le dépouillement, le sacrifice de soi, le Serviteur assure le salut aux autres, il meurt pour que ses frères retrouvent la justice et la vie. Il n'est pas étonnant qu'en relisant ces cantiques, et surtout le quatrième qui parle de la passion du Serviteur et de son exaltation, l'Église chrétienne ait vu en eux une prophétie de la destinée du Christ Jésus de Nazareth.

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Livre d'Ésaïe, enluminure - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Livre d'Ésaïe, enluminure

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