ISE, sanctuaire
Le grand sanctuaire d'Ise (Ise daijingū), dédié à la divinité solaire Amaterasu ō-mikami en sa qualité d'ancêtre de la dynastie impériale japonaise, se trouve près de l'actuelle ville d'Uji-Yamada, sur le cours supérieur de la rivière Isuzu, dans la province d'Ise (aujourd'hui département de Mie). Le culte de la déesse souveraine, d'abord célébré dans le palais même, s'il faut en croire le Nihon-shoki, aurait été transféré à Ise sous le règne du onzième « empereur humain », Suinin-tennō, en l'an ~ 4 (date légendaire ; en fait, l'événement est à situer au moins deux, peut-être même quatre siècles plus tard), et la première prêtresse en aurait été la princesse Yamato-hime, fille de ce souverain. Jusqu'en 1334, des princesses du sang se succédèrent dans cette fonction de prêtresse (saigū). La tradition voulait, d'autre part, que les deux bâtiments principaux, le sanctuaire intérieur (naikū, où est conservé le miroir sacré) et le sanctuaire extérieur (gekū), fussent reconstruits à neuf tous les vingt ans, selon un plan rigoureusement identique ; cette dernière règle semble avoir été effectivement respectée, car les bâtiments actuels appartiennent bien à un type d'architecture archaïque sur pilotis, caractérisée par deux poutres obliques entrecroisées prolongeant sur le pignon la pente du toit (chigi). La première, par contre, subit de notables entorses, dues en particulier à l'indigence dans laquelle était tombée la maison régnante à la fin du Moyen Âge : il n'y eut aucune reconstruction du sanctuaire intérieur de 1462 à 1585, ni du sanctaire extérieur de 1443 à 1563.
Étroitement associé à la dynastie, Ise fut pendant plus d'un millénaire le lieu d'un culte officiel certes, mais qui n'intéressait guère les gens du peuple. Il en fut tout autrement à partir de la fin du xvie siècle, avec la constitution des « confréries d'Ise » (Ise-kō) qui popularisèrent les pèlerinages. Ces derniers devaient déplacer des foules nombreuses, plusieurs millions de personnes certaines années, au xviiie et au xixe siècle. Avec la restauration impériale de 1868, Ise devient le premier sanctuaire du shintō d'État ; des messagers impériaux, ministres ou hauts fonctionnaires, vont y rendre compte des principaux événements de la vie publique. Après la défaite de 1945, la nouvelle constitution consacre la séparation du shintō et de l'État ; une vive controverse s'élève alors entre partisans et adversaires du maintien de cette coutume, controverse dont la virulence, s'explique par ses implications politiques qui priment en l'occurrence, et de loin, les considérations religieuses.
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Écrit par
- René SIEFFERT : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales
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