ISLAM (Histoire) De Mahomet à la fin de l'Empire ottoman
Du Moyen Âge aux Temps modernes
La nouvelle expansion musulmane, œuvre des non-Arabes
La nouvelle vague d'expansion, qui se situe entre le xie et le xive siècle, n'a pas le caractère spectaculaire de conquête territoriale qu'avaient revêtu les deux premières vagues. Mais d'autres caractéristiques y tiennent une place importante. C'est d'abord le rôle des non-Arabes – Turcs ou Mongols en Orient, Berbères en Occident –, le plus souvent d'origine nomade, et ces nomades ne sont pas les destructeurs systématiques que l'on a trop souvent dépeints ; ensuite tous sont sunnites, c'est-à-dire qu'ils professent l'islam orthodoxe ; au nom de celui-ci, et en raison de la défaillance des Arabes, ils se proclament les champions de l'islam face à tous ses adversaires extérieurs et intérieurs. Enfin, ils portent l'islam dans des territoires où il n'a pas pu s'établir ou pénétrer : Asie Mineure, Afrique noire. Dans l'Inde, à la suite des Ghaznévides, d'autres dynasties turques trouvent un terrain d'expansion : tels sont les Ghourides à qui l'on doit la grande mosquée de Delhi où se manifestent, dans l'art islamique, les premiers emprunts indiens, et surtout les Khwarezmiens qui, au xiiie siècle, exercent leur domination depuis les frontières de l'Iraq jusqu'à l'Asie centrale et du Caucase au golfe Persique. Mais les uns et les autres vont devoir affronter la poussée mongole, à laquelle ils résisteront d'autant moins que les États qu'ils ont constitués sont peu ou mal administrés et livrés aux ravages de bandes de Turcomans rétifs à toute autorité gouvernementale.
Plus à l'ouest, les succès des Turcs Seldjoukides en Iran et en Iraq se prolongent en Asie Mineure où une branche cadette pénètre profondément et parvient, non sans difficultés, à s'imposer sur le plateau anatolien, créant ainsi l'État seldjoukide d' Anatolie ou de Roum, point de départ d'une implantation turque permanente. Les Byzantins sont chassés d'un territoire qui appartenait de fondation à leur Empire et ils vont désormais livrer une lutte défensive contre les Turcs. Contrairement aux dynasties d'Asie centrale et de l'Inde, les Seldjoukides sont fortement organisés, leur administration est solide et leur armée redoutable ; ils ont su allier à leur génie propre les qualités administratives des Iraniens (incarnées par le vizir Nizam al-Moulk) et nombre de traditions arabes, si bien que ce n'est pas par hasard que le monde musulman a eu plus tard l'Anatolie turque pour base de départ d'une nouvelle expansion.
Il faut également noter que, pour la première fois, les musulmans sont en contact direct non plus seulement avec les chrétiens de Byzance ou d'Orient, mais aussi avec les chrétiens d'Occident, les « Latins » venus avec les croisades. Certes, les contacts entre Latins d'une part, Seldjoukides, Zengides et Ayyoubides d'autre part, ont été assez limités : ils n'en constituent pas moins un aspect nouveau des relations entre les deux religions et l'amorce du développement commercial entre l'Orient méditerranéen et les pays d'Europe, par l'intermédiaire des cités marchandes italiennes. Il convient cependant de ne pas exagérer la portée de ces contacts, qui sont loin d'avoir eu l'ampleur de ceux qui existaient en Occident, par la voie de la Sicile et de l'Espagne.
En Afrique du Nord, bouleversée par l'invasion hilālienne, apparaît peu après le milieu du xie siècle une tribu nomade qui, au nom d'un islam rénové et purifié, entreprend de chasser les hérétiques, de refaire l'unité musulmane et d'accroître ensuite la lutte contre les chrétiens d'Espagne : ce sont les Almoravides, nomades berbères qui prennent vite goût à la[...]
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Écrit par
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
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Médias
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