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ISLAM (Histoire) L'émergence des radicalismes

La première question concernant le radicalisme islamique est de savoir dans quelle mesure celui-ci est une conséquence de la doctrine religieuse elle-même, et donc intrinsèque à l'islam, ou bien s'il s'agit d'un phénomène avant tout politique, lié à des conflits contemporains. La confusion est d'autant plus grande qu'elle est entretenue tant par les critiques occidentaux de la religion islamique en soi que par des fondamentalistes musulmans qui cherchent à ancrer les conflits actuels dans l'histoire millénaire de l'islam. Sous l'étiquette de « radicalisme islamique », on classe donc des mouvements complexes et souvent très différents, allant d'un parti politique légaliste et ayant eu des responsabilités gouvernementales dans une démocratie (le Refah/Fazilet en Turquie) à des groupuscules terroriste (comme Al-Qaida et le Jaysh-e Mohammed au Pakistan), ce qui suffit à montrer combien la notion reste floue.

Délimitations

En fait, on ne peut parler de radicalisme islamique que lorsque l'usage de la violence est explicitement mis au service de la réalisation d'un État ou d'une société islamique. Ce qui exclut deux catégories aisément confondues : d'une part, la violence impliquant des populations musulmanes mais dans le cadre d'idéologies ou de stratégies qui n'ont rien à voir avec l'islam (mouvements nationalistes, comme en Palestine, en Bosnie, au Kosovo ou en Tchétchénie) ; d'autre part, le fondamentalisme juridique des oulémas qui poussent à faire de la charia, c'est-à-dire de la loi islamique, la loi fondamentale de l'État, mais sans contester les autorités de fait (position du clergé officiel wahhabite en Arabie Saoudite). Bien sûr, il peut y avoir des surdéterminations : un mouvement palestinien comme le Hamas islamise le discours nationaliste, tandis que certains oulémas saoudiens sont passés au soutien des talibans, voire de Ben Laden. Inversement, des mouvements islamistes sont devenus purement nationalistes (Iran).

Révolution islamique en Iran, 1979 - crédits : Pathé

Révolution islamique en Iran, 1979

Il y a bien dans le Coran une référence explicite au djihad comme lutte armée, même si le sens du mot est bien plus large (l'« effort ») ; le prophète Muhammad fut aussi un chef de guerre. Mais tenter de définir le radicalisme islamique à partir du Coran ne va pas très loin, pour deux raisons. Tout d'abord le Coran lui-même, tout comme la tradition du Prophète, insiste sur le contexte propre à chaque décision de recourir à la violence, et n'a jamais fait du djihad un des piliers de la foi (pas plus d'ailleurs que du prosélytisme) : par exemple, tantôt il est recommandé de faire un accord avec les juifs ou les chrétiens, tantôt de s'en méfier. Conséquence logique, toute une activité de codification et d'interprétation s'est développée parmi les légistes musulmans, donnant naissance à une tradition centriste (le djihad ne peut être proclamé que dans des conditions très strictes, généralement défensives), et à une tendance plus radicale (qui en particulier n'hésite pas à proclamer le djihad contre d'autres musulmans, jugés « mauvais »). Si bien que ce qui nous importe, ce n'est pas ce que dit le Coran, mais l'instrumentalisation du Coran et de la Tradition par les acteurs politiques du monde musulman contemporain. La deuxième raison est que la plupart des formes contemporaines de radicalisme islamique (la révolution iranienne ou bien les attentats d'Al-Qaida) n'ont aucun équivalent dans l'histoire du monde musulman et doivent donc être compris comme profondément nouveaux. Le concept de prise du pouvoir d'État par une révolution populaire, entérinée par une nouvelle Constitution (l'Iran en février 1979), n'a aucun équivalent, de même que l'usage systématique des attentats-suicides (apparu d'abord dans le Hezbollah libanais au cours des années 1980 et adopté plus tardivement par les Palestiniens et Al-Qaida, alors qu'il avait été développé[...]

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Révolution islamique en Iran, 1979 - crédits : Pathé

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Manifestation en faveur de Khomeyni à Téhéran, 1980 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

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Recep Tayyip Erdogan et José Manuel Durão Barroso à Bruxelles, 2004 - crédits : Commission européenne

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