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ISLAM (Histoire) L'émergence des radicalismes

Les courants fondamentalistes

Femme portant le chadri - crédits : N. Cirani/ De Agostini/ Getty Images

Femme portant le chadri

Les fondamentalistes au sens strict, la plupart du temps issus des madrasas ou écoles religieuses, prônent l'instauration de la charia et le retour à une interprétation littéraliste de la loi religieuse. Leur objet est la société en général et non un État particulier. Toujours conservateurs, ils peuvent être politiquement modérés et entériner les régimes en place, ce qui a été le cas la plupart du temps dans l'histoire de l'islam. Lorsque ce fondamentalisme passe à la violence, c'est en général d'abord contre sa propre société, afin de l'épurer de tout ce qui n'est pas islamique : d'où l'importance de la police religieuse et de la question de la place de la femme (voile et restriction de l'accès à l'espace public). Les fondamentalistes conservateurs, comme les talibans afghans, attachent peu d'importance à la construction de l'État : pour eux une société est vraiment islamique dans la mesure où ses membres se conforment à la charia ; ils privilégient alors le da'wat (« prédication »), au besoin renforcé par la contrainte. Ils luttent donc aujourd'hui avant tout contre l'occidentalisation de la culture et des mœurs. Le modèle a été appliqué de manière très caricaturale chez les talibans afghans, où la longueur de la barbe devient un critère essentiel de l'islamité du pays. En ce sens, les fondamentalistes ne sont pas nécessairement très politisés, même si leur pensée est très radicale : certains mouvements comme le Tabligh (connu en France sous le nom de Foi et pratique) se contentent de prêcher en faisant du porte-à-porte, pour inciter les musulmans à revenir vers le « vrai islam » (c'est-à-dire à leur conception de l'islam), sans se soucier du cadre politique en place ; mais, ce faisant, ils fonctionnent plus comme une secte fermée que comme un mouvement politique. Ce type de fondamentalisme a toujours existé dans l'islam. Ses adeptes sont vraiment internationalistes, c'est-à-dire qu'ils mettent la communauté de tous les musulmans (la umma) au-dessus des États et des nations, comme l'a montré Mollah Omar, qui n'a pas hésité à sacrifier son propre régime au nom de la loyauté envers Oussama ben Laden.

De tels courants sont, au contraire de l'islamisme, aussi vieux que l'islam. Les talibans afghans rappellent les Almohades du Maroc médiéval, où des tribus, ici pachtounes, là-bas berbères, s'unissent derrière un personnage charismatique pour imposer aux gens de 1a ville un islam rigoriste fondé sur la seule charia. La question est de savoir pourquoi ce mouvement se développe aujourd'hui dans des milieux en fait modernisés, à commencer par des musulmans vivant en Occident.

Car ce qui est nouveau (en réalité depuis la fin des années 1980), c'est la radicalisation de fondamentalistes conservateurs qui ont pris aux islamistes le drapeau de la lutte contre l'Occident et l'impérialisme américain, tout en prônant des formes d'islamisation de la société très traditionnelles (à propos de la femme ou de l'économie, par exemple). Ils constituent aujourd'hui une nébuleuse de petites organisations, ou plutôt de réseaux liés entre eux. C'est l'insistance qu'ils portent au djihad qui les distingue des oulémas traditionalistes. Pour les nouveaux radicaux, le djihad est une obligation personnelle et permanente, d'où leur appellation de djihadistes au Pakistan. Ils reprennent donc le thème et les terrains de la lutte armée contre l'Occident, mais leur djihad n'est pas limité à la conquête du pouvoir dans chacun de leur pays. Ils privilégient au contraire les djihad à la périphérie du monde musulman (Bosnie, Tchétchénie, Afghanistan, Cachemire, Philippines), combinant activisme armé (djihad) et promotion d'un[...]

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