ISLAM (Histoire) Le monde musulman contemporain
Asie du Sud
On a tort de considérer comme marginaux dans le monde musulman les pays d'Asie du Sud, ou sous-continent indien, qui, avant la partition de 1947, constituaient l'Inde tout court. Colonisée par des marchands arabo-persans, puis conquise du xie au xiiie siècle par des dynasties turques, l'Inde faisait partie intégrante du monde musulman médiéval ; ses puissants souverains, comme les Moghols (1526-1857), rivalisèrent avec les Safavides d'Iran et les Ottomans de Turquie, exportant des tissus mais aussi des livres arabes et persans et des confréries mystiques. L'Inde a récemment produit des mouvements missionnaires de stature mondiale. Les musulmans d'Asie du Sud – quelque 300 millions répartis presque également entre Inde, Pakistan et Bangladesh – forment environ le quart de la population musulmane du globe.
Deux traits les singularisent. Leur situation minoritaire d'abord : 27 % de la population totale. Ils ne sont en majorité que dans les pays situés en marge : Maldives (100 %), Pakistan (97 %), Bangladesh (85 %) ; ils sont en minorité dans l'immense Union indienne (12 %), à Sri Lanka (7 %), au Népal (3 %) et au Bhoutan (3 %). Ils doivent donc s'affirmer non seulement contre l'Occident, mais aussi contre la communauté religieuse dominante, celle des hindous. Ensuite, comme la colonisation de l'Inde a commencé dès 1765, la réaffirmation musulmane débuta plus tôt qu'ailleurs : les clivages qui définissent les mouvements musulmans actuels remontent pour la plupart au xixe siècle.
Scission parmi les traditionalistes : 1818-1857
Pendant un siècle, l'empereur moghol resta nominalement sur son trône à Delhi. Les savants traditionnels ou oulémas (‘ulamā) demeurèrent en majorité fidèles à l'ordre médiéval enseigné dans les séminaires (madrasa) qui maintenaient une culture arabe et persane et s'en tenaient à la soumission (taqlīd) aux écoles de droit (majorité sunnite hanafite avec quelques chaféites sur les côtes ; minorité de chiites duodécimains et ismaéliens). Le soufisme imprégnait la spiritualité savante comme populaire : tous croyaient à l'intercession des saints.
En 1818, une minorité de militants, « wahhabites » selon leurs adversaires, rompit avec la tradition : les Farā’iḍiyya du Bengale et surtout les Mujāhidīn de la Tarīqa-i Muḥammadiyya de Sayyid Aḥmad Barelwī (1786-1831) qui à partir de Delhi essaimèrent dans l'Inde entière ; ils s'élevèrent contre le culte des saints et les dévotions d'origine hindoue ; les Mujāhidīn menèrent une guerre sainte (jihād) contre les sikhs dans le Nord-Ouest (actuel Pakistan). Contrairement aux interprétations nationalistes, il s'agissait moins d'une révolte endogène contre la colonisation que de mouvements millénaristes inspirés en partie de précédents du Moyen-Orient, comme le réformisme yéménite de Al-Shaukānī (mort en 1834) et le wahhabisme d'Arabie. Ils ont instauré le débat sur le culte des saints.
Ils provoquèrent une scission : d'un côté, la majorité silencieuse restée fidèle au culte des saints – qui a trouvé son théoricien à la fin du xixe siècle en Aḥmad Riḍā Khān (1855-1921), fondateur, à Bareilly en Inde du Nord, de l'école des Barelwī très influente aujourd'hui en Inde occidentale et au Pakistan ; de l'autre côté, la minorité réformiste qui continua son action missionnaire et donna naissance, face au modernisme, à plusieurs écoles rivales.
Clivage entre traditionalistes et modernistes après 1857
L'année 1857 marqua la fin de l'Inde musulmane médiévale avec la révolte, sa répression et la déposition du dernier moghol finalement remplacé en 1877 par la reine Victoria comme impératrice des Indes. Les musulmans durent alors prendre position face à l'Occident. Cela provoqua un second clivage[...]
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Écrit par
- Françoise AUBIN : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
- Olivier CARRÉ : docteur ès lettres et sciences sociales, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques
- Nathalie CLAYER : chargée de recherche au C.N.R.S.
- Andrée FEILLARD : chercheur au C.N.R.S.
- Marc GABORIEAU : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Altan GOKALP : chargé de recherche de première classe au C.N.R.S., responsable de l'équipe cultures populaires, Islam périphérique, migrations au laboratoire d'ethnologie de l'université de Paris-X-Nanterre, expert consultant auprès de la C.E.E. D.G.V.-Bruxelles
- Denys LOMBARD : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
- Alexandre POPOVIC : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
- Catherine POUJOL : docteur en histoire orientale, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales
- Jean-Louis TRIAUD : professeur à l'université de Provence
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