ISLAM (Histoire) Le monde musulman contemporain
URSS et ex-URSS
L'islam en Union soviétique
Perestroïka, glasnost, nationalités, le public international s'est habitué à des concepts qui lui ont d'abord paru étranges. La couverture médiatique a mis les deux premiers à la portée de tous les esprits. Que signifie la rencontre de deux questions à l'ordre du jour en URSS comme en bien d'autres lieux, en Chine notamment : le problème des nationalités et le problème islamique ? Car l'URSS, qui comptait 55 millions de musulmans à son recensement de 1979 – soit 21 % de sa population globale –, était, sans qu'on y ait pris suffisamment garde, une des plus grandes puissances islamiques du monde, après l'Indonésie, le Pakistan, l'Inde et le Bangladesh, avant les pays du Moyen-Orient et du Maghreb. L'idéologie officielle était pourtant, depuis soixante-dix ans, l'athéisme, la religion étant censée être affaire strictement privée. Dans ces conditions, que signifiait la reconnaissance d'un citoyen soviétique comme musulman ? Quel droit à la pratique religieuse lui était-il officiellement reconnu ? Et comment intériorisait-il la réalité islamique ? En fait, le problème de l'islam se dédoublait en URSS selon qu'il s'agissait des rapports avec l'État ou avec le parti, tandis que l'action souterraine offrait une troisième voie d'interrogation.
Colonisation et peuples musulmans
Dans la théorie politique de l'URSS, un certain nombre de groupements non slaves, qui avaient été progressivement inclus dans l'Empire russe entre le xvie et le xixe siècle et qui étaient catalogués comme peuples musulmans sous l'ancien régime, détenaient, depuis le courant des années 1920 et 1930, le label de « nations » et de « nationalités » et occupaient des territoires qui leur étaient propres.
Leurs rapports passés avec le conquérant russe avaient modelé diversement leur physionomie, depuis qu'au xvie siècle le jeune État moscovite, tout juste émancipé de la domination de la Horde d'or (musulmane), avait entamé son expansion : les Tatars de la Volga, les premiers soumis à une assimilation forcée, s'étaient très tôt façonné une théorie nationaliste à base islamique ; au Caucase, l'islam avait profité de la résistance à la conquête pour s'enraciner solidement, de la fin du xviiie à la fin du xixe siècle ; le Turkestan, annexé dans la seconde moitié du xixe siècle et resté colonie de seconde zone, s'était éveillé, au début du xxe siècle, à des mouvements de libération nationale et de réformisme (le jadidisme), sous la conduite de lettrés tatars de la Volga et de la Crimée.
En 1917, les différents peuples de l'Empire russe, qui formaient une mosaïque composite de langues, de systèmes sociaux et économiques, de particularismes, disposaient pour la plupart d'élites remarquablement cultivées en langues littéraires locales, en traditions pan-turques et en islam, mues en outre par une conscience politique souvent très évoluée. La politique bolchevique des nationalités, appliquée par tâtonnements à partir de 1922, reposait sur un postulat : à savoir que les tendances séparatistes des allogènes disparaîtraient d'elles-mêmes après l'abolition des inégalités caractéristiques du pouvoir tsariste, même si des peuples dépourvus d'un prolétariat urbain inspiraient la méfiance. Le principe d'action du gouvernement soviétique fut, envers les groupes arriérés, une promotion hors de mesure avec leur importance démographique et politique, et envers les ethnies dont la conscience nationale était déjà stimulée, la destruction des traditions historiques, linguistiques, culturelles et religieuses.
Le résultat de cette stratégie fut l'attribution aux musulmans de territoires « nationaux » dont les frontières devaient coïncider, dans chaque[...]
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Écrit par
- Françoise AUBIN : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
- Olivier CARRÉ : docteur ès lettres et sciences sociales, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques
- Nathalie CLAYER : chargée de recherche au C.N.R.S.
- Andrée FEILLARD : chercheur au C.N.R.S.
- Marc GABORIEAU : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Altan GOKALP : chargé de recherche de première classe au C.N.R.S., responsable de l'équipe cultures populaires, Islam périphérique, migrations au laboratoire d'ethnologie de l'université de Paris-X-Nanterre, expert consultant auprès de la C.E.E. D.G.V.-Bruxelles
- Denys LOMBARD : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
- Alexandre POPOVIC : directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
- Catherine POUJOL : docteur en histoire orientale, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales
- Jean-Louis TRIAUD : professeur à l'université de Provence
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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