ISLAM (La civilisation islamique) Les mathématiques et les autres sciences
Les sciences « naturelles »
Les sciences « naturelles » comprennent la physique proprement dite, entendue au sens aristotélicien, et un certain nombre de disciplines qui s'y rattachent. On laissera de côté cette « physique », qui dépend de la philosophie, pour ne traiter ici avec quelque détail que des deux sciences qui ont été particulièrement étudiées par les savants musulmans : la médecine et l'alchimie.
La médecine
Quand les musulmans parurent sur la scène du monde, la médecine avait déjà parcouru une longue période de son histoire avec Hippocrate, Galien et Dioscoride et avec les médecins de l'école d'Alexandrie, pour venir se concentrer au vie siècle à Gondēshāpūr (en arabe : Djundīsābūr). Cette ville du sud-ouest de la Perse avait accueilli tour à tour les Nestoriens de l'école d'Édesse, lorsque celle-ci fut fermée en 489, et les philosophes néo-platoniciens de l'école d'Athènes, qui fut fermée elle-même en 529 par Justinien. Les premiers apportèrent avec eux leurs traductions en syriaque des textes grecs et, bientôt, la ville connut un essor intellectuel remarquable. Sous le règne de Chosroès Anūsharwān – le Qiṣra des chroniques arabes –, l'école parvint à son apogée. Grecs, juifs, chrétiens, Syriens, hindous et Persans s'y côtoyaient dans un admirable esprit de tolérance. Gondēshāpūr devint un centre médical de première importance, avec des hôpitaux où non seulement on prodiguait des soins aux malades, mais où l'on assurait également un enseignement théorique et pratique de la médecine.
En 638, la ville fut prise par les Arabes, dont la langue y était probablement déjà connue et parlée, tant donné la proximité de la ville de Hira. En tout cas, très tôt après la conquête, des médecins devaient parler l'arabe puisque, selon Ibn Abī Uṣaybi‘a, le célèbre historien de la médecine chez les Arabes, c'est en cette langue que le médecin Djurdjīs ben Djibrīl de Gondēshāpūr s'adressa au calife Manṣūr lorsqu'il lui rendit visite. La cité connut de véritables dynasties de médecins, qui se transmettaient leur science de père en fils et qui devinrent les maîtres des médecins musulmans.
Mais c'est au viiie siècle, à Bagdad, que la médecine prend son essor. En 705, le calife Manṣūr, malade, demanda qu'on lui fît venir le meilleur médecin de son empire. On lui désigna Djurdjīs ben Djibrīl, chef des médecins de Gondēshāpūr, qu'il envoya chercher sur-le-champ. Dès cette époque, la faveur des princes à l'égard de ces cliniciens, et en particulier de la famille des Bukhtīshū‘, ne se démentit pas. C'est ainsi que Djibrīl ben Bukhtīshū‘ demeura au service de Hārūn al-Rashīd pendant vingt-trois ans, puis qu'il s'acquitta de la même fonction auprès d'al-Amīn et enfin d'al-Ma'mūn. Sous la puissante impulsion du calife Ma'mūn s'organisa un intense mouvement de traduction de l'héritage scientifique et philosophique de l'Antiquité, qui représente un des événements culturels les plus importants de l'histoire. Ma'mūn s'appuya en cette entreprise sur un homme de génie, Ḥunayn ben Isḥāq (m. en 873), que le docteur Leclerc, dans sa célèbre Histoire de la médecine arabe, ne craint pas d'appeler « la plus grande figure du ixe siècle ». Originaire d'une tribu chrétienne des environs de Hira, Ḥunayn parvint à maîtriser parfaitement les quatre principales langues de son époque : l'arabe, le persan, le grec et le syriaque. Il apprit également la médecine sous la direction des maîtres chrétiens d'alors. Mieux que quiconque, il était donc préparé pour la tâche immense qu'allait lui confier Ma'mūn. Il accompagna la mission chargée de se rendre à Byzance pour y chercher de bons manuscrits, puis il s'entoura d'une excellente équipe de[...]
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Écrit par
- Georges C. ANAWATI : maître de conférences à l'université de Varsovie
- Roshdi RASHED : directeur de la recherche au C.N.R.S.
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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