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ISLAM (La civilisation islamique) Les sciences historiques et géographiques

L'a-priori de la perception de l'espace et du temps dans la construction et la représentation du monde ne vaut pas que pour les individus : il est la règle aussi pour les sociétés. Aucune d'entre elles ne peut s'édifier et se méditer si elle ne définit pas d'abord comme sien l'espace qu'elle s'est acquis, si elle n'en marque les limites, si elle ne les défend sur le terrain et dans son propre univers mental. Et pas davantage si elle ne fixe, dans la mémoire à transmettre de génération en génération, sa destinée à elle et la place singulière qu'elle occupe dans l'histoire des hommes et même de la création.

La civilisation exprimée en arabe et fondée par l' islam s'ordonne autour de ce phénomène majeur, qui dicte la conduite des individus et de la communauté des croyants. Celle-ci conçoit l'espace et le temps selon deux directions majeures, inverses et complémentaires à la fois. L'une ramène le monde et l'histoire au pôle de la foi, La Mecque, et à l'événement fondateur qui s'y manifesta : la révélation coranique. L'autre, partant de ce même centre spatio-temporel, élargit l'horizon aux limites de la terre, dans la double perspective d'une géographie universelle et d'une histoire du salut.

L'essor

Cet islam pourtant doit compter avec ce temps même qu'il aspirait à maîtriser et son aventure fut celle d'autres civilisations, avec phases d'expansion et de repli. L'un des tournants majeurs de son destin fut le xie siècle, avec l'apparition des Turcs et la mise en tutelle du califat abbasside de Bagdad. Jusque-là, et malgré les distorsions provinciales, l'institution demeurait le symbole de la volonté de la communauté musulmane à être régie par un pouvoir unique. Le sultan turc portera, à cet édifice, un coup très grave, préfigurateur de l'autre catastrophe, l'arrivée des Mongols qui, en 1258, supprimeront, dans sa personne et son institution, le califat.

L'histoire arabe commence à l'image des disciplines les plus rigoureusement musulmanes, celles qui tournent autour de la tradition prophétique et fixent, par une chaîne de garants (isnād), les relations (akhbār) concernant la révélation coranique ainsi que les faits et gestes du Prophète de l'islam et de ses premiers compagnons. Tout naturellement mecquoise et médinoise, elle s'inscrit dans le droit-fil de la tradition évoquée, avec des écrivains comme Wāqidī (mort en 822) ou Ibn Hishām (mort en 834), parfaits représentants d'un genre tout de nouveauté et de fraîcheur, tout empreint encore de l'oralité de ses sources.

L'irruption des Arabes et de l'islam sur des pans entiers du vieux monde va faire éclater ces cadres, en plusieurs directions. Ce sera d'abord l'histoire des conquêtes elles-mêmes, avec Balādhurī (mort en 892) ou Ibn ‘Abd Hakam (mort en 871), ce dernier pour l'Afrique du Nord et l'Espagne. D'autres écrivains cultivent la biographie, l'histoire d'une ville, d'un pays, d'une période ou de l'islam jusqu'à leur époque. D'autres enfin sont plus ambitieux : de la fin du ixe siècle au milieu du xie, quatre grands noms, Ya‘qūbī, Tabarī, Mas‘ūdī et Tha‘ālibī, entreprennent de rédiger ni plus ni moins que l'histoire du monde, depuis les patriarches et les prophètes, parfois depuis la création. L'œuvre, ouverte à tous temps et tous pays, se concentre ensuite sur le point privilégié de la révélation coranique, pour repartir ensuite à la conquête du monde et sous un ciel renouvelé par l'islam.

La géographie suit un chemin parallèle, mais avec des marques propres. Au départ étrangère, elle reproduit la cartographie grecque de Ptolémée, à laquelle elle ajoute les compléments indispensables du côté de l'Orient.[...]

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Istakhri, l'embouchure du Tigre - crédits : G. Dagli Orti/De Agostini Picture Library/ Bridgeman Images

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