ISLAM (La civilisation islamique) Les sciences historiques et géographiques
Les temps difficiles
Les temps difficiles qui suivent le milieu du xie siècle et culminent à la date terrible de 1258 se traduisent par deux réactions : le repli sur la mémoire, le chemin sur des voies sûres et balisées ou, à l'inverse, l'exploration des temps nouveaux. Témoignage de ce que l'on fut ou de ce que l'on est, avec le souci, et même la fébrilité, de compiler, de rassembler l'héritage arabe menacé. D'un côté, donc, les genres affirmés : l'histoire universelle avec Ibn al-Athīr (1160-1234), Abū l-Fidā' (1273-1331) et Barhebraeus (Ibn al-‘Ibrī, 1226-1286), de double culture syriaque et arabe, l'histoire de l'islam avec Ibn Kathīr (v. 1300-1373), les livres traitant de pays (Égypte avec Maqrīzī, 1364-1442), de villes (notamment Ibn ‘Asākir, mort en 1176, pour Damas) ou de dynasties (les Nasrides de Grenade, avec Ibn al-Khatīb, mort en 1374), enfin les biographies, que Yāqūt (1179-1229) systématise sous la forme du dictionnaire.
Les nouveautés sont de trois ordres. D'abord, et dans l'esprit, signalé plus haut, de rassemblement du trésor, l'intégration de l'histoire à un savoir qui se veut total. Deux démarches sont ici possibles. D'un côté, celle de l' encyclopédie, englobant l'histoire avec les autres disciplines : l'Égypte des Mamelouks donne le ton avec Nuwayrī (1279-1332), Ibn Fadl Allāh al-‘Umarī (1301-1348) et Qalqashandī (mort en 1418). L'autre démarche s'intègre à un projet de vie individuelle, de polygraphie où l'histoire voisine, sous ses titres propres, avec d'autres ouvrages : ainsi fait Suyūtī (1445-1505) à qui sont attribués quelque cinq cent soixante titres, dont plusieurs sur des biographies, sur l'histoire du monde, des califes ou de l'Égypte, côte à côte avec l'exégèse coranique, la tradition, la grammaire, le droit, la théologie et une foule d'autres sujets.
Par l'une ou l'autre démarche, l'ambition est ici moins novatrice en elle-même (un Mas‘ūdī par exemple avait frayé les voies) que par son ampleur, par sa quantité de savoir étalé et rassemblé. Pleinement originales, en revanche, les œuvres d' Usāma b. Munqidh (1095-1188) et d' Ibn Iyās (1448-v. 1522). Le premier nous a laissé d'incomparables mémoires sur le premier siècle des croisades et les mœurs des principautés franques d'Orient, le second, une histoire d'Égypte qui est en réalité le « journal d'un bourgeois du Caire ».
À part, enfin, l'un des plus grands historiens de tous les temps, Ibn Khaldūn (1332-1406). Héritier d'une longue tradition arabo-musulmane et pleinement engagé dans son siècle, il participe, comme juge ou homme politique, aux affaires de son temps, de l'Espagne et de l'Afrique du Nord à l'Égypte et à la Syrie, hanté par le spectacle des divisions de l'islam et le rêve de son unité, la recherche de l'homme providentiel, du nouveau rassembleur, fût-il turc et même turco-mongol comme Tamerlan. Mais, dans les moments de repli sur soi, dans la tour d'ivoire du savant, le même homme élabore une philosophie de l'histoire, une œuvre immortelle connue sous le nom de Muqaddima (Prolégomènes) où, posant quelques-uns des jalons de nos sciences humaines d'aujourd'hui, il développe une ample et savante méditation sur le phénomène de la civilisation et le destin des civilisations particulières.
La géographie paie, elle aussi, son tribut aux circonstances. Le fait majeur est ici la disparition brutale et complète sinon de la description même du domaine de l'islam, de la mamlaka, du moins de la géographie impériale, de la discipline qui faisait, de cette description, son objet exclusif. D'où le retour à des formes éprouvées, anciennes, originelles même, en l'espèce la cartographie commentée de la[...]
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Écrit par
- André MIQUEL : professeur au Collège de France
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