ISLAM (La religion musulmane) L'étude de l'islam et ses enjeux
La « révolution islamique » en Iran, la chute du régime « socialiste » face à la résistance des tribus en Afghanistan, le réveil islamique dans les anciennes républiques soviétiques devenues indépendantes, les attentats terroristes en Algérie, en Irak, en Égypte, les pressions des partis « islamiques » sur tous les régimes où les musulmans sont majoritaires, le retour à la « loi coranique » au Pakistan, son application intransigeante en Arabie Saoudite, tous ces phénomènes, qui ont attiré l'attention du monde entier, conduisent à parler de l'islam comme d'un « cinquième grand », de son rôle dans la distribution mondiale des pouvoirs, de ses richesses, de ses valeurs et de son sursaut expansionniste.
L'observateur extérieur simplifie les aspects de cette situation en usant généreusement, c'est-à-dire inconsidérément, du terme d'« islam ». Mais le spécialiste lui-même fait-il beaucoup mieux ? On attendrait de lui non seulement un inventaire exhaustif des expressions actuelles de l'islam, mais également une reconstitution de leur genèse sociale et historique, une description adéquate de leurs contenus, un repérage de leurs fonctions. Or, les sciences sociales et humaines oscillent entre la description et l'explication, entre les classifications et les formalisations, entre la simple relation des faits et une interprétation entachée de subjectivité. En outre, s'agissant de l'islam, il est nécessaire de se méfier de l'hégémonie exercée par l'épistémè occidentale contemporaine. Non qu'il faille récuser a priori, comme le fait justement l'idéologie islamique dominante, la science occidentale qui ignore ou escamote à dessein la « spécificité » de l'islam. Car le combat pour la conscience humaine doit être mené sans concession dans toutes les traditions culturelles ayant une visée hégémonique, ce qui est le cas pour des raisons théologiques identiques, de l'islam comme du christianisme et du judaïsme.
Il reste que, si l'on veut dépasser l'exposé sociographique et historiographique pour soumettre l'islam actuel aux interrogations de la raison critique, on doit réviser les catégories conceptuelles les plus répandues dans le discours occidental : notamment les couples temporel/spirituel, séculier/régulier, rationnel/irrationnel, raison/foi, laïc/religieux, révélation/histoire, tradition/modernité, sacré/profane, nature/culture, etc. Il faudra réviser aussi les distinctions développées par la pensée islamique classique, telles que les distinctions sens obvie/sens apparent (bāṭin/ẓāhir), recherche indépendante/reproduction de l'enseignement reçu (ijtihād/taqlīd), fondements/applications (uṣūl/furū‘).
Sceptique et méfiant devant la science hégémonique, déçu par le discours islamologique, consterné, voire intellectuellement découragé par les excès idéologiques des modes d'expression « islamiques », le chercheur est contraint de se demander que faire et par où commencer. À travers le monde, on éprouve le besoin pressant d'un autre exercice de la pensée, au sens où les croyants parlent du Tout Autre pour désigner Dieu. Mais les esprits sont englués dans des polémiques dérisoires commandées par des conjonctures malheureuses, des appétits contradictoires, des angoisses grandissantes, des violences irrépressibles, des déchéances collectives... Les sociétés musulmanes subissent directement les effets déstabilisants des luttes qui se déroulent à l'intérieur d'elles-mêmes et dans l'ensemble du monde. Elles se tournent vers l'islam pour maintenir ou rétablir des équilibres essentiels, pour légitimer des conduites nouvelles, pour intégrer des forces et des conceptions exogènes. Il en découle une diversité de langages, de stratégies, d'attitudes, de fonctions qu'on ne peut examiner ici que de manière générale, en s'efforçant[...]
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Écrit par
- Mohammed ARKOUN : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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