ISLAM (La religion musulmane) L'étude de l'islam et ses enjeux
Aperçus analytiques
Pour apprécier équitablement la portée des expressions officielles, il faut utiliser le concept de cohérence recherchée dans l'actuelle phase d'émergence de forces sociales nouvelles ; mais il faut aussi faire un inventaire sans complaisance : de l'équipement mental des « élites dirigeantes » et de leurs clientèles ; des pesanteurs socioculturelles propres à chaque société ; des conditions politiques et économiques dans lesquelles ces pesanteurs cherchent à s'exprimer. Cela veut dire que l'acte d'allégeance à l'islam (reconnu comme religion officielle dans les constitutions et les proclamations) ou même l'existence d'institutions « islamiques » (ministères, hauts conseils islamiques, écoles...) ne prennent leur vraie signification que s'ils sont rapportés à la volonté de libération et de construction nationales et aux difficultés propres à chaque terrain. Le cas de l'Algérie, où le discours laïc et les forces séculières occupent de puissantes positions, ne peut être confondu avec celui de l'Arabie, où triomphe le système de contraintes wahhabite, ni avec celui de l'Irak, où les particularismes ethniques et confessionnels demeurent nombreux, ni avec celui de l'Iran, où la hiérarchie chiite a fait preuve de son efficacité... On peut continuer l'énumération ; mais l'important est de retenir que plus il est fait appel officiellement à l'islam politique, plus le message religieux est soumis à une épreuve historique de vérité à une échelle sociale plus étendue que dans toutes les expériences vécues jusqu'en 1950 environ.
À cet égard, l'expérience iranienne est particulièrement éclairante. Dans un premier temps, le personnel religieux a imprimé une vigoureuse accélération à la révolution, en l'exprimant dans un vocabulaire strictement coranique, ou imāmite, c'est-à-dire en mobilisant un imaginaire social archaïque : les profiteurs du régime injuste, serviteurs de Pharaon, sont des tyrans (ṭāghūt), qui croyaient braver impunément le Jugement de Dieu ; ils avaient multiplié le nombre des déshérités (mustaḍ ‘afūn) et semé le désordre sur la Terre (mufsidūn fī-l-arḍ) ; les groupements de patrons-ouvriers-employés, qui remplacent les syndicats, sont des conseils consultatifs (shūrā) ; le chef charismatique, par qui Dieu agit dans l'histoire, est un Signe-prodige de Sa Puissance ( āyātullāh) ; en Afghanistan, le parti soutenant le régime « socialiste » se nommait la Création (al-khalq) ; le président du Pakistan se nommait la Lumière de l'Être-Vrai (Ẓiyā' al-Ḥaqq)... Mais sous ces références « transcendantes », la conscience collective vit des épreuves décisives qui la font accéder à une historicité positive, voilée jusque-là par les discours traditionnels. Lorsque les musulmans comprendront que, si le vocabulaire coranique dynamise effectivement toutes les situations révolutionnaires, c'est parce qu'il est de structure mythique, et non parce qu'un clergé quelconque en a saisi et appliqué les contenus substantiels, on pourra parler d'une pensée islamique libérée et libératrice.
Les expressions juridiques mériteraient d'être longuement examinées, notamment en ce qui concerne le problème de la condition féminine. En fait, ce qui est en cause ici, c'est le statut personnel plus que le Code pénal, lequel n'est appliqué que de manière épisodique dans certains pays seulement. Ce statut a, certes, reçu quelques correctifs compatibles avec les textes coraniques, mais il continue à faire peser sur les femmes la supériorité exigeante des hommes. L'islam, sur ce point, n'a fait que sacraliser, donc rendre plus intangibles, des tabous, des conceptions, des pratiques extrêmement anciens touchant à la sexualité et aux structures de la parenté. Loin de porter[...]
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Écrit par
- Mohammed ARKOUN : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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