ISLAM (La religion musulmane) Les sciences religieuses traditionnelles
La théologie
En islam, la théologie a été appelée curieusement « science de la parole » (‘ilm al-kalām), et ceux qui la pratiquent « ceux qui parlent » (al-mutakallimūn). On a proposé de cela plusieurs explications ; celle qui prévaut aujourd'hui est que ladite science aurait été ainsi caractérisée non par son objet, mais par son mode d'argumentation. Le discours théologique en islam a été longtemps, en effet, de nature essentiellement polémique ; il s'agissait de réduire à quia un adversaire par un défilé ininterrompu de questions, chaque réponse de l'adversaire recevant aussitôt sa réplique. C'est cet art de la controverse, incontestablement typique, qu'on aurait dénommé « science de la parole ».
C'est une question très débattue que de savoir comment a pris naissance la théologie en islam et à quel moment. Il ne fait pas de doute que, dès la période omeyyade, des problèmes de nature théologique ont été posés, que des doctrines, des écoles ont vu le jour. Mais ce que nous en savons nous est connu presque toujours de seconde main, et pour l'essentiel à partir d'ouvrages doxographiques dont les plus anciens datent de la seconde moitié du iiie siècle de l'hégire/ixe siècle après J.-C.
Tout aussi incertaine est la question des influences subies. On a beaucoup parlé d'une influence possible de la théologie chrétienne ou de la philosophie hellénistique. Qu'il y ait eu certains emprunts est indéniable (par exemple en matière de cosmologie), encore est-il fort difficile d'en reconstituer le cheminement ; et il ne faut surtout pas en exagérer la portée (comme on l'a fait trop souvent). La problématique théologique en islam, les doctrines qu'elle y a suscitées doivent être avant tout abordées et comprises dans leur contexte propre.
Historiquement – outre la question dite de l'« imamat » (c'est-à-dire la direction de la communauté musulmane après la mort du Prophète), de nature plus politique que théologique –, le premier problème posé à la conscience musulmane a été celui de la foi et des œuvres : pouvait-on considérer comme « croyant » celui qui, bien que se disant musulman, n'observe pas la Loi ? Une première réponse, négative, a été celle des khāridjites : tout musulman pécheur devient, de ce fait, « mécréant ». D'où est née, en réaction, une seconde doctrine selon laquelle tout jugement de cette sorte n'appartenait qu'à Dieu, les hommes n'ayant donc pas ici-bas à s'en charger ; les tenants de cette thèse ont été appelés »murdji'ites » (littéralement « ceux qui remettent à plus tard »). Un autre problème tôt soulevé a été celui de la responsabilité de l'homme vis-à-vis de ses fautes (le Coran étant, sur ce point, fort ambigu) : l'homme décide-t-il librement de ses actes, ou bien sa conduite est-elle d'avance déterminée par Dieu ? Paradoxalement, les partisans de la première doctrine ont été appelés « qadarites » (alors que qadar signifie au contraire la prédétermination de toute chose par Dieu). Leurs adversaires, tenants de la prédestination, ont reçu, quant à eux, le sobriquet de « djabrites » (de djabr, « contrainte »).
Très tôt également, certains se sont posé la question de la nature de Dieu, dont le Coran dit qu'« à Sa semblance il n'est rien » (xlii, 11). Comment fallait-il comprendre cela ? Sur ce point, un certain Djahm (m. en 128/745) – par ailleurs partisan des thèses murdji'ite et djabrite – s'est rendu célèbre en affirmant une radicale transcendance de l'être divin : rien de ce qui est dit de l'homme ne peut être dit de Dieu, et inversement. Djahm niait en particulier que Dieu pût, au sens propre, parler (en dépit de Coran, iv, 164) ; le Coran n'était pas réellement[...]
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Écrit par
- Chafik CHEHATA : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
- Roger DELADRIÈRE : professeur honoraire à l'université de Lyon-III, ancien directeur de recherche pour les études arabes et islamiques
- Daniel GIMARET : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
- Guy MONNOT : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
- Gérard TROUPEAU : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
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