ISOLEMENT, psychiatrie
L'époque des aliénistes
La Révolution française va différencier l'insensé du prisonnier ordinaire. Le fou devient un malade qu'il faut traiter. Philippe Pinel, premier médecin aliéniste, libère bien les aliénés de leurs chaînes, mais il n'en supprime pas pour cela l'isolement et la contention. Pinel, et surtout son élève Esquirol, vont, au contraire, faire de l'isolement un des concepts centraux de leur théorie du « traitement moral », à côté de la rééducation sociale dirigée par l'aliéniste. Le mot « isolement » cache en fait deux séparations différentes. La première forme d'isolement correspond à la volonté sociale de mettre à part, dans un lieu séparé, le malade mental. Il s'agit, comme le manifestera la loi du 30 juin 1838, d'ôter toutes ses relations sociales et affectives à l'aliéné afin de le rééduquer grâce à la discipline parfaite de l'asile. La seconde forme de séparation, que nous pourrions nommer « isolement thérapeutique » ou « isolement cellulaire », consiste en un enfermement simple dans une chambre close de l'aliéné agité ou violent, qui ne se plie pas à la discipline « parfaite » de l'asile. Cet isolement ne répond pas directement à une demande sociale. Il est un mode de gestion des problèmes disciplinaires et/ou thérapeutiques à l'intérieur de l'asile.
De leur côté, les aliénistes anglo-saxons vont rapidement bannir les contentions, à moins d'agitation extrême, l'isolement étant utilisé comme moyen alternatif par lequel le malade doit devenir responsable de lui-même.
L'échec du traitement moral et son remplacement par la théorie de la « dégénérescence » ont conforté les pratiques d'isolement. Ni la découverte des neuroleptiques (qui permettent de calmer l'agitation), ni l'utilisation des psychothérapies, ni le développement du secteur psychiatrique (qui renvoie à une philosophie de soin rigoureusement inverse) ne permettront d'abolir la contention et l'isolement, à tel point qu'il apparaît aujourd'hui impossible de se passer de ces techniques dans les situations de violence. Cette nécessité de devoir contenir en attachant ou en enfermant le patient qui fait preuve d'une violence que les soignants ne peuvent gérer autrement n'implique pas pour autant une banalisation de ces mesures, ni qu'elles soient thérapeutiques.
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Écrit par
- Dominique FRIARD : infirmier de secteur psychiatrique, infirmier-formateur
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