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ISOMÉRIE, chimie

Résonance ou mésomérie

Il revint à Linus Carl Pauling de faire la synthèse de ces trois composantes conceptuelles : nécessité des deux formules de Kekulé du benzène ; formules de Lewis pour l'écriture des molécules ; notion d'intégrale d'échange, dans le formalisme de la mécanique quantique, pour rendre compte de l'indiscernabilité, et donc de la délocalisation des électrons au sein de n'importe quelle molécule. Son apport, outre cette synthèse, fut la notion de résonance : les molécules de la chimie, comme des cordes vibrantes, ou des oscillateurs quelconques, peuvent entrer en résonance.

Une molécule quelconque, dans cette description due à Pauling, et que l'on qualifie aussi de mésomérie, existe simultanément sous divers visages, ou formes-limites. Ainsi, les formules de Kekulé sont deux des formes-limites (il en existe d'autres) pour la molécule de benzène. Aucune de ces formules (de Lewis) n'offre à elle seule une représentation entièrement satisfaisante de la réalité. Seul l'ensemble de ces formes-limites, avec leurs résonances associées, donne une représentation convenable.

Cela est suffisamment important pour insister : une formule unique, en règle générale, ne suffit pas à représenter correctement une molécule. La raison en est que les tirets, qui conventionnellement figurent les liaisons, localisent les électrons entre les paires d'atomes dont se constitue la molécule ; alors que l'ensemble des électrons sont en fait délocalisés sur l'ensemble de la molécule. La résonance ou mésomérie, qu'imagina Linus Pauling, est un artifice permettant de sauvegarder les formules de Lewis. Celles-ci, en effet, par leur simplicité, représentent un outil précieux. Les conserver, tout en relativisant leur contenu informationnel, fut un habile tour de passe-passe.

La molécule de monoxyde de carbone CO est un bon exemple de raisonnements guidés par le formalisme de la mésomérie. La forme-limite avec une liaison double entre les atomes a pour elle l'absence de toute séparation de charges électriques, de signes opposés, qui coûterait de l'énergie. La forme-limite avec une liaison triple entre les deux atomes, C et O, a pour elle, a priori, sa force plus grande ; mais elle souffre d'imposer une telle séparation des charges qui, de plus, met la charge positive sur un atome a priori rebelle, celui d'oxygène. Conclusion ? CO se représente au moyen de la coexistence de ces deux formes-limites, en résonance.

La théorie de la résonance qu'énonça Pauling spécifiait que, pour contribuer à l'hybride de résonance, les diverses formes-limites ne doivent différer ni quant à l'emplacement des noyaux des atomes, ni quant à leurs nombres d'électrons célibataires. De plus, leurs énergies estimées doivent rester comparables. George Willard Wheland (1907-1974) résuma parfaitement ces principes : un hybride de résonance représente une entité bien réelle, tandis que les formes-limites servent à expliquer « une réalité inhabituelle par référence à des fictions familières ».

La notion de résonance eut un impact important sur le concept de liaison chimique. Elle incita d'emblée, dès les années 1930-1940, à une radicale remise en cause du modèle de Lewis, celui de la liaison chimique assurée par une paire d'électrons. Elle généralisa ce modèle à des liaisons à un ou à trois électrons. Un autre mérite de la notion de résonance fut son hypothèse implicite de l'indépendance les unes par rapport aux autres des liaisons dans une molécule, ce qui sous-entendait l'additivité des énergies de liaison – un résultat qui eut son heure de gloire dans les années 1950 et 1960 surtout.

Un temps, la théorie de la résonance entra en concurrence avec sa contemporaine, la théorie des orbitales moléculaires. Cette dernière, portée[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)

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Kekulé - crédits : AKG-images

Kekulé

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