ISOPTÈRES
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Les sociétés de termites
Chez les termites, on ne connaît aucune espèce où les individus vivent solitaires ou par petits groupes, comme on peut en observer chez les Hyménoptères (guêpes, abeilles) ; tous vivent en sociétés, dont certaines toutefois sont plus primitives que les autres.
Le polymorphisme
Les diverses castes qui constituent les sociétés de termites varient énormément selon les familles, voire selon les espèces. Ainsi, les Kalotermitidés (genre Kalotermes) n'ont jamais de véritables ouvriers (ce sont les larves qui remplissent leurs fonctions) ; les Rhinotermitidés (ex. : Reticulitermes) en possèdent ; les Termitidés (ex. : Macrotermes) ont parfois de grands ouvriers et de petits ouvriers. Cette même espèce produit aussi des grands et des petits soldats, alors que les espèces précédemment citées ont un seul type de soldats.
Les sexués
Le couple royal (fondateur) vit au cœur de la termitière dans une cellule royale qui est aussi sa prison car elle ne s'ouvre que par d'étroits orifices ne permettant pas le passage des sexués, beaucoup plus volumineux que les ouvriers et les soldats. Dans le cas de la reine en particulier, l'abdomen s'hypertrophie de façon caractéristique : d'après P.-P. Grassé, une femelle de Bellicositermes natalensis peut, au cours des ans, multiplier sa masse initiale par cent vingt-cinq ; la reine de Cephalotermes par deux cent cinquante à trois cents.
Les vieilles reines ne peuvent donc se déplacer, immobilisées qu'elles sont par la masse de leur abdomen. La reine de Bellicositermes déjà citée atteint une longueur de 14 cm de long sur 3,5 cm de large. Les reines de Microtermes ou de Cephalotermes atteignent 4 à 5 cm de long sur 8 à 9 mm de large. Ces grosses reines sont gavées exclusivement d'aliments liquides contenant assez de protéines pour permettre une production d'œufs ininterrompue, trente-six mille œufs par 24 h, soit treize millions par an chez Bellicositermes natalensis (P.-P. Grassé). Mais les reines de Reticulitermes lucifugus (termite lucifuge des pays tempérés) ne pondent que quelques milliers d'œufs par an, et Calotermes flavicollis seulement deux cents à trois cents. Dans les colonies devenues orphelines, il apparaît des « sexués néoténiques » que l'on appelle aussi « sexués complémentaires » ou « roi et reine de substitution ».
Les soldats
Les soldats dépendent étroitement de la société, car ils ne savent pas s'alimenter par eux-mêmes. Dans la termitière, ils sont nourris par les ouvriers (ou les larves âgées chez Kalotermes). Chez les termites à symbiotes, ils reçoivent les aliments stomodéal et proctodéal soit en flattant de leurs antennes la tête des ouvriers, soit par excitation tactile de l'extrémité postérieure de l'abdomen. Chez les Termitidés, ils ne reçoivent que l'aliment stomodéal. Dépourvus de tous les réflexes commandant le forage, la trituration du bois ou l'art de maçonner, les soldats ne savent pas travailler.
Les entomologistes leur attribuent généralement la défense de la société, et leur anatomie (tête fortement cuirassée, mandibules hypertrophiées) semble correspondre à cette fonction, quoiqu'ils soient aveugles. Ils sont d'ailleurs bien adaptés à la lutte contre leurs ennemis (essentiellement les fourmis) sur lesquels ils rejettent des liquides visqueux nauséabonds ou toxiques : salive des Protermes et des Pseudacanthotermes, liquide frontal des Macrotermes, des Bellicositermes, des Rhinotermes, etc. En outre, les soldats ont une tactique de défense qui semble efficace : cercles protecteurs autour des orifices d'essaimage ou autour des ouvriers au travail, haies de soldats tournés vers l'extérieur protégeant les colonnes marchantes. Cependant, il ne faut pas exagérer leur importance, car leur nombre est toujours très faible (1 pour 500 ou même 1 pour 1 000 de la population). Certaines espèces (Anoplotermes) n'ont pas de soldats, et les ouvriers assurent le rôle défensif (P.-P. Grassé et C. Noirot, 1948).
Les ouvriers
Les ouvriers, ou les larves des Kalotermitidés qui les remplacent, assument toutes les besognes de la société : percement ou édification des galeries, construction du nid, recherche de la nourriture, soins donnés aux œufs, approvisionnement du couvain, des sexués et des soldats, transports des jeunes. L'activité du léchage prend une place particulièrement importante dans la vie des termites à tous les stades : léchage des œufs, des jeunes, de la reine ; les ouvriers (et les larves des termites inférieurs) s'entrelèchent très fréquemment. D'autre part, les rencontres entre termites sont souvent l'occasion d'un échange prolongé de caresses, d'attouchements mutuels, et cela, ajouté aux échanges alimentaires (trophallaxie de Weeler), montre l'importance des rapports corporels entre membres d'une même société.
L'essaimage
Lorsqu'une termitière compte déjà un nombre important d'individus, les nymphes du dernier stade muent à peu près en même temps et se transforment en ailés qui sortent en masse du nid pour aller fonder de nouvelles sociétés : c'est l'essaimage. Juste avant cet envol, les ouvriers percent les trous par lesquels s'échapperont les essaimants, mâles et femelles en proportions sensiblement égales. Le vol des ailés étant incertain et peu durable, l'essaim se disperse peu ; cela favorise les accouplements consanguins et constitue un facteur d'isolement sexuel, maintenant des types locaux morphologiquement reconnaissables. Chaque couple se livre à une promenade nuptiale qui peut durer des heures, voire des jours, puis il creuse dans le bois ou dans la terre la chambre nuptiale. Après une ou deux journées de travail, le couple a achevé sa cellule et devient inactif ; à ce moment, les conjoints se mutilent les ailes et les antennes dont ils amputent trois, quatre ou cinq articles. Le mâle féconde la femelle après un temps variable selon les espèces, mais toujours après des caresses prolongées. Le couple vivra ensemble de longues années, car les termites semblent être les Insectes ayant la longévité la plus grande. P.-P. Grassé estime à quatre-vingts ans l'âge de certains nids géants de Bellicositermes qu'il a eu l'occasion d'ouvrir et dans lesquels le couple fonctionnel était celui qui avait fondé le nid. Alors que, dans de tels nids, les femelles à l'abdomen hypertrophié sont impotentes et ne peuvent plus se mouvoir, le mâle change peu de taille. Toujours au voisinage de la reine, il la féconde périodiquement (douze accouplements en onze mois chez Zootermopsis en élevage).
Chez les Kalotermitidés, certains ailés n'essaiment pas, perdent leurs ailes et demeurent dans le nid, où ils sont tolérés. Ils ne participent pas à la reproduction et sont inutiles. Ils ont été appelés achrestogonimes par P.-P. Grassé et P. Bonneville qui les ont découverts (1935).
Déterminisme des castes et régulation sociale
Deux thèses se sont opposées pour expliquer la différenciation des castes. La théorie blastogénique soutient que la caste est déterminée dans l'œuf par des facteurs génétiques ; la théorie épigénique (ou trophogénique) prétend que les larves issues d'œufs tous identiques s'orientent vers les diverses castes sous l'influence de facteurs extérieurs. Aujourd'hui, les arguments de la première théorie semblent tous critiquables, et seule est retenue la théorie épigénique : en effet, on a pu montrer que les larves et les nymphes des Isoptères (sauf les Termitidés) ont les mêmes potentialités et que leur destinée est modifiable au gré de certaines influences extérieures.
La plasticité des termites est, en outre, bien mise en évidence par les faits de régulation sociale que l'on peut observer dans la nature ou au cours d'expériences. En effet, on constate que la composition globale de la société influe directement sur la destinée des individus qui ne sont pas encore arrivés au terme de leur développement. C'est ainsi que la suppression des sexués fonctionnels dans une colonie entraîne la transformation de certaines larves ou de certaines nymphes en sexués néoténiques. De même, on a pu observer la régulation du nombre des soldats dans une colonie naissante ou dans un fragment de colonie (par suppression ou adjonction expérimentale de soldats). On a aussi montré qu'un groupe homogène formé de sujets appartenant au même stade a tendance à réaliser une société dans laquelle toutes les castes sont représentées. La termitière fonctionne donc comme une unité qui tend à maintenir constamment son équilibre ou à le rétablir s'il a été rompu, à avoir présentes en son sein toutes les castes et à conserver entre elles certaines proportions numériques. Des expérimentations ont mis en évidence le rôle des glandes endocrines dans la différenciation des castes. L'implantation de corpora allata chez des pseudergates donne naissance à des soldats parfaitement formés ou à des intercastes (Lüscher, 1976 ; Lebrun, 1970-1979). La morphogenèse des différentes castes serait ainsi sous la dépendance des proportions relatives dans le sang de l'hormone de mue et de l'hormone juvénile.
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Écrit par
- Robert GAUMONT : docteur d'État ès sciences
Classification
Autres références
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TERMITE
- Écrit par Catherine BLAIS
- 450 mots
Insecte social, vivant surtout dans les régions tropicales, capable de construire les édifices les plus importants du règne animal.
Classe : Insectes ; ordre : Isoptères
Les termites, représentés par quelque 2 000 espèces, constituent l'ordre des Isoptères (« à ailes égales »). Leurs...
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