ISOSTASIE, géologie
Le terme « isostasie » (du grec isos, égal, et stasis, arrêt) traduit l'état d'équilibre des roches de la croûte terrestre par rapport au manteau sous-jacent. Ce phénomène implique que, au-dessus d'une certaine profondeur, appelée niveau de compensation, la masse des roches crustales superficielles est partout la même quelle que soit l'altitude des reliefs. En dessous du niveau de compensation, il n'y a pas de variations significatives de densité.
Le phénomène d'isostasie fut mis en évidence, pour la première fois, il y a plus de 250 ans par l'astronome français Pierre Bouguer. Lors de l'expédition au Pérou de 1736-1743, menée afin de mesurer la longueur d'un arc de méridien terrestre, Bouguer mit en évidence, à cette occasion, une différence significative de la pesanteur entre des mesures effectuées dans les Andes et au niveau de la mer. Un siècle plus tard, des observations similaires dans l'Himalaya furent apportées par George Everest, indiquant que l'attraction gravitationnelle des montagnes apparaît systématiquement plus faible que prévue par les modèles prenant en compte l'excès de masse de celles-ci.
On doit aux Britanniques George Biddell Airy (1801-1892) et John Henry Pratt (1809-1871) les premières tentatives d'explication du phénomène observé. Leurs hypothèses sont apparemment antagonistes. Selon Airy, la compensation du relief topographique est assurée par la présence en profondeur d'une racine de même densité que les roches de surface et donc de densité plus faible que le manteau environnant. Cette « racine légère » profonde diminue la pesanteur totale associée au relief. Selon Pratt, la compensation résulte d'une variation latérale de densité dans la croûte terrestre et la partie supérieure du manteau à l'aplomb du relief. Selon ces deux hypothèses, la pression exercée en dessous de la profondeur de compensation est de nature hydrostatique, c'est-à-dire que le poids des colonnes de matière unitaires situées au-dessus du niveau de compensation est constant.
Sur le globe terrestre, l'isostasie est réalisée à près de 90 p. 100. En milieu continental, le modèle d'Airy permet en première approximation d'expliquer les observations : les reliefs montagneux sont en général associés à un épaississement crustal, résultat d'une compression latérale de la croûte sous l'effet des forces horizontales liées à la tectonique des plaques.
En milieu océanique, deux types de compensation isostatique dominent : la compensation par variations latérales de densité (modèle de Pratt) et la compensation dite régionale, produite par la flexure de la plaque lithosphérique sous la charge des reliefs.
La lithosphère océanique – croûte océanique et partie supérieure du manteau –, formée aux dorsales par solidification des roches en fusion, se refroidit lentement au fur et à mesure qu'elle s'éloigne de la zone axiale. Ce refroidissement est accompagné d'une augmentation latérale de densité, d'un épaississement de la lithosphère et d'une subsidence (approfondissement) du plancher océanique. Les variations des fonds océaniques s'expliquent bien en supposant que la lithosphère océanique est en équilibre isostatique selon le modèle de Pratt.
Sous la charge des montagnes sous-marines, la partie supérieure de la lithosphère océanique se déforme à la manière d'une plaque mince élastique. À l'exception des régions très proches de la dorsale, la déformation de la plaque s'étend latéralement tout autour du relief sous-marin sur des distances pouvant atteindre plusieurs centaines de kilomètres. En se déformant, la plaque étire avec elle la croûte océanique, ce qui induit un déficit de masse sur toute la région déformée puisque la croûte est plus légère que le manteau. Ce déficit de masse s'oppose[...]
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Écrit par
- Anny CAZENAVE : ingénieur C.N.E.S., directeur adjoint du Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiale, C.N.E.S.-G.R.G.S.
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