ISOTOPIE, linguistique
Le concept d'isotopie, introduit de manière opératoire par A.-J. Greimas dans sa Sémantique structurale (1966), fondamentale pour l'analyse du discours et la constitution du texte en objet scientifique, est défini en ces termes par l'auteur : « Ensemble redondant de catégories sémantiques qui rend possible la lecture uniforme du récit telle qu'elle résulte des lectures partielles des énoncés et la réalisation de leurs ambiguïtés, qui est guidée par la recherche de la lecture unique. »
L'isotopie permet la lecture d'un texte en langue naturelle relevant de plusieurs systèmes à la fois, en établissant son homogénéité. La cohérence du discours est fondée sur la répétition d'éléments semblables ou compatibles. La procédure suivie tient dans le repérage, à travers la multiplicité des sèmes, d'une catégorie dominante, tant par le nombre de ses occurrences que par le rôle qu'elle joue dans le développement du texte, l'isotopie pouvant parcourir celui-ci du début jusqu'à la fin. Une telle opération présuppose une sorte d'inventaire de catégories sémiques (ou classèmes). À titre d'exemple de ces classèmes peuvent être signalées les oppositions de base animé/inanimé, spatialité/non spatialité, temporalité/non temporalité, continu/discontinu, euphorie/dysphorie. Il convient donc de dégager dans le texte la récurrence d'une base classèmatique et d'opérer une certaine hiérarchisation entre les différentes isotopies, garantie de l'unité de lecture.
Mais un certain nombre de textes littéraires maintiennent l'ambiguïté en se situant sur plusieurs plans isotopes. Ainsi le mot d'esprit, le poème, le mythe jouent sur cette pluri-isotopie. L'exemple du mot toilette choisi par Greimas manifeste la double évocation d'une isotopie vestimentaire et hygiénique. De même Rastier, dans son analyse du poème de Mallarmé, Salut, a établi la présence de trois isotopies, celles du banquet, de la navigation et de l'écriture, qui s'enchevêtrent dans le même texte.
L'existence d'isotopies peut être constatée sur le plan du contenu mais aussi sur celui de l'expression et apparaître aux différents niveaux d'un texte comme au niveau phonologique sous forme d'assonances, d'allitérations ou de rimes, au niveau syntaxique sous forme d'accord par redondance de marques, au niveau sémantique sous forme d'équivalence définitionnelle ou triplication narrative.
Cette poly-isotopie qui a permis d'envisager une « stylistique d'isotopies » soulève deux types de problèmes, les uns relatifs à l'établissement d'isotopies du plan de l'expression et du plan du contenu, les autres qui tiennent aux possibles relations entre les deux isotopies et qui peuvent être conflictuelles.
L'une des difficultés majeures posées par l'état actuel de la théorie tient à la procédure d'extraction de l'isotopie dominante, qui semble nécessairement faire appel à l'intuition et à l'habileté de l'analyste et n'échappe donc pas aux risques d'une certaine subjectivité.
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Écrit par
- Alain SAUDAN : agrégé de l'Université, chargé de mission au ministère des Affaires étrangères
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