ISOTROPIE & ANISOTROPIE
Au sens général du terme, une grandeur physique (macroscopique ou microscopique) est anisotrope, ou isotrope, selon qu'elle dépend ou non de la direction suivant laquelle on la mesure. Ainsi, la densité d'un corps homogène ou la fonction de distribution des vitesses à l'équilibre thermodynamique sont des grandeurs isotropes, tandis que cette même fonction de distribution en régime de transport est anisotrope. Dans cette acception générale, le temps et l'espace étant des grandeurs physiques (puisque mesurables), on parle souvent de leur isotropie ou de leur anisotropie.
Au sens primitif, plus restreint, du terme, l'isotropie et l'anisotropie sont des propriétés des corps macroscopiques. On dit qu'un système est isotrope si aucune de ses propriétés (macroscopiques) ne possède de dépendance directionnelle, c'est-à-dire que, ces propriétés étant toujours représentées par des tenseurs spécifiques (conductivité, constante diélectrique, module d'élasticité), leurs composantes sont invariantes par rapport à une rotation du trièdre de référence (réflexion et inversion incluses). Il suffit qu'une seule propriété soit directionnelle pour que le corps cesse d'être isotrope. Dans tout corps anisotrope, il existe au moins une invariance partielle, par rapport à un « groupe » (discontinu) de rotations, qui caractérise de la manière la plus générale la symétrie du corps.
L'espace est en général considéré comme isotrope. En physique quantique, cette isotropie se manifeste par l'invariance du carré du module de la fonction d'onde d'un système isolé par rapport à l'inversion spatiale, ce qui permet d'attribuer à chaque particule élémentaire une « parité » bien définie et en assure la conservation. La seule exception connue concerne les particules en « interaction faible » (interaction intervenant, par exemple, dans la radioactivité β) : non-conservation de la parité ou asymétrie de l'espace par rapport à la réflexion dans un miroir (Lee-Yang, 1956). Il se peut d'ailleurs que cette asymétrie ne soit qu'apparente et due aux propriétés intrinsèques des particules, la symétrie des lois physiques étant rétablie si l'on associait à l'inversion spatiale la substitution particule-antiparticule (L. D. Landau, 1957).
Le temps est toujours isotrope à l'échelle atomique, c'est-à-dire que les équations du mouvement, classiques (Newton) ou quantiques (E. Schrödinger, W. K. Heisenberg), sont invariantes par rapport à l'inversion temporelle, c'est-à-dire le remplacement de t par — t. Une conséquence immédiate est la « réversibilité microscopique », à savoir l'égale probabilité d'une transition i ⇌ f et de la transition inverse f ⇌ i, entre les états quelconques i et f. Cependant, en physique statistique, c'est-à-dire en physique des systèmes dont l'état initial n'est pas connu avec la précision maximale possible, l'invariance des équations de mouvement (L. Boltzmann, Fokker-Planck) disparaît, ce qui constitue « l'irréversibilité statistique » (ou macroscopique) et explique la tendance vers l'équilibre thermodynamique de tout système macroscopique isolé.
Les corps macroscopiques sont en général isotropes en phase gazeuse ou liquide, anisotropes en phase solide (cristalline). Il existe pourtant des solides isotropes, mais l'exception n'est qu'apparente, puisqu'il s'agit ou bien de corps polycristallins (assemblages de petits cristaux), ou bien de solides amorphes métastables (verres, résines synthétiques, etc.) qui évoluent plus ou moins lentement vers l'état stable cristallin. Il existe également des liquides anisotropes, dont l'anisotropie est « accidentelle », c'est-à-dire due à un agent extérieur : « cristaux liquides » (combinaisons organiques, formées[...]
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Écrit par
- Viorel SERGIESCO : docteur en physique
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