ISOU ISIDORE GOLDSTEIN dit ISIDORE (1925-2007)
Jean Isidore Isou Goldstein, dit Isidore Isou, est né à Botosani (Roumanie) en janvier 1925. Dans Agrégation d'un Nom et d'un Messie (1947), il retrace son initiation spirituelle à travers les livres et l'évocation de différents maîtres. Ces années d'apprentissage le conduiront, écrit-il, à découvrir la poésie lettriste en 1943. Après avoir traversé le « rideau de fer », il arrive à Paris en août 1945. Il y crée avec Gabriel Pomerand, le groupe lettriste, et fonde la première de ses revues, La Dictature lettriste.
En 1947, les éditions Gallimard, en même temps que Agrégation d'un Nom et d'un Messie, publient Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique, où Isou explicite son apport lettrique. La colonne vertébrale de sa théorie et de sa pratique est la création, autrement dit l'inédit, sans cesse renouvelé par des apports neufs et inconnus, au-delà de toute production qui se réduirait à la répétition d'un savoir-penser ou d'un savoir-faire antérieur. Selon lui, le processus créateur se partage en deux temps : l'amplique – phase d'édification et d'expansion – et le ciselant – moment d'auto-réflexion de l'art. Ce second moment remet en question les fondements et les acquis de la discipline, développés dans le premier temps. L'artiste ciselant s'intéresse aux particules constituantes du cinéma, de la poésie, du théâtre, et à leur émiettement. En cela, il se situe clairement dans le sillage du dadaïsme et du futurisme.
Ce processus intéresse toutes les disciplines. La peinture isouienne prend pour matériel la lettre, presque aussitôt suivie par les signes. Le roman « hypergraphique » se compose de l'ensemble des signes existants ou à inventer, après qu'Isou eut proposé un roman mobile, dont chaque page se déroulerait dans un café différent. Le cinéma inaugure sa phase ciselante avec un premier film, Traité de bave et d'éternité, où alternent vues incongrues ou récupérées et images biffées. L'œuvre fait scandale lorsque la première partie est projetée en marge du festival de Cannes 1951. Le théâtre isouien, lui, explore les impliques (sortes de monologues), séparés de la gestualité du comédien.
Dans ce système bien rodé, d'où jaillissent fréquemment des inventions très en avance sur leur temps, chaque incursion est accompagnée de la publication d'un ouvrage, le plus souvent à compte d'auteur : Essai sur la définition, l'évolution et le bouleversement total de la prose et du roman (1950), Mémoires sur les forces futures dans les arts plastiques et leur mort (1950), « Esthétique du cinéma » (in revue Ion, 1952), Fondements pour la transformation intégrale du théâtre (1953), Ballets ciselants (1965). Isou explore également les territoires de l'érotisme, avec La Mécanique des femmes (1949), qu'il prolonge, entre autres, par Je vous apprendrai l'amour (1957) et Initiation à la haute volupté (1960).
Cette avancée transversale dans l'art, enrichie d'une « structure supertemporelle » permettant au public, sans limite de durée, de participer au façonnement de l'œuvre, inscrit naturellement la démarche d'Isou dans l'époque qui lui donne naissance. Mais elle entraîne aussi des polémiques incessantes avec les tenants du happening, du body art, de l'art conceptuel, pour ne citer que quelques jalons d'une décennie foisonnante. Il est vrai que, parfois à quelques jours près, les apports des uns et des autres se jouxtent, voire se juxtaposent. Dans la pensée lettriste, la date exacte d'une avancée témoignant ou non de la qualification de créateur, Isou homologue méthodiquement ses apports pour s'en rendre maître.
Fort de ses principes kladologiques (il s'appuie sur la science des branches ou kladologie), « première[...]
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Écrit par
- Frédérique DEVAUX : enseignante à l'université de Paris-VII et à l'École nationale supérieure Louis-Lumière, écrivaine
Classification
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