ISPAHAN
L'époque seldjoukide
Dans les premiers siècles de l'Islam, Ispahan connut la vie économique et intellectuelle brillante d'une métropole régionale, mais sans se distinguer d'autres centres provinciaux de l'empire des califes. Avec la résurgence des particularismes locaux qui, au xe siècle, affaiblissent l'autorité de ceux-ci, commencent ses vicissitudes et ses chances. Elle devient un enjeu de la compétition pour le pouvoir, et son histoire est jalonnée de sièges, de massacres, de famines et de « pestes ». Elle passe de la sujétion des Daylamites à celle des Seldjoukides, qui s'en emparent en 1051 après un siège de plusieurs mois, et qui en font la capitale de leur État vaste et fragile. Le voyageur persan Nāsser-e Khosrow, qui la visite en 1052, la dépeint comme la cité la plus populeuse et la plus florissante qu'il ait vue en pays iranien.
Siège du sultanat, Ispahan n'échappait pas pour autant aux périls qui menaçaient la dynastie. La secte des ismaéliens y comptait de nombreux adeptes, dont la présence entretenait les turbulences sociales. Un parti ismaélien s'installait même en 1100 dans la forteresse de Shāhdiz, perchée sur la montagne qui domine l'oasis d'Ispahan vers le sud, et de ce nid d'aigle défiait plusieurs années durant l'administration seldjoukide. Signe avant-coureur de la faiblesse du régime, qui s'effondra dans la première moitié du xiie siècle.
L'édifice le plus remarquable d'Ispahan, et peut-être de tout l'Iran islamique, la mosquée du Vendredi (Masjid-e Djom'è), construite sous Malek-Chāh (1072-1092), détruite en grande partie par un incendie en 1121, agrandie et redécorée aux époques mongole, turkmène et séfévide, conserve quelques éléments seulement de l'époque seldjoukide. D'autres monuments, tels le palais royal et la madrassè fondée par le vizir Nezāmolmolk, n'existent plus. Ailleurs dans le district d'Ispahan et en Iran central, nombre de mosquées et de minarets du xiie siècle attestent qu'il n'y eut pas coïncidence absolue entre la prospérité de la région et la fortune des Seldjoukides. Après leur chute, néanmoins, s'ouvre une période d'effacement politique et de déclin économique, celui-ci probablement moins total que ne le laisseraient croire les dires d'un géographe arabe du début du xiiie siècle, selon lequel Yahoudiyè et Djay étaient alors en ruine. Ispahan ne joue aucun rôle à l'époque mongole, au cours de laquelle a dû se dessiner un relèvement sensible au xive siècle, sans que jamais la ville puisse menacer la prééminence de Chiraz comme métropole politique, commerciale et littéraire de l'Iran du Sud-Ouest.
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Écrit par
- Jean AUBIN : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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