IṢṬAKHRĪ AL- (déb. Xe s.)
Le seul événement qui nous soit connu de la vie de Iṣṭakhrī ou al-Fārisī est sa rencontre avec Ibn Ḥawqal, auquel il demanda de revoir et de développer son ouvrage, le Livre des routes et des royaumes (Kitāb al-masālik wa l-mamālik, éd. De Goeje, Leyde, 1927 ; éd. M. G. ‘Abd al-Āl al-Ḥīnī, Le Caire, 1381 [1961]).
Mort vraisemblablement après 340 (951), Iṣṭakhrī s'inspire de très près de l'atlas du monde musulman élaboré par Balkhī : il décrit ainsi successivement, en les illustrant de cartes, la Terre en son ensemble, l'Arabie, la mer de Perse (golfe Persique et océan Indien), l'Afrique du Nord et l'Espagne, l'Égypte, la Syrie-Palestine, la Méditerranée, la haute Mésopotamie, l'Irak, la Susiane (Khūzistān), la Perside (Fārs), la Carmanie (Kirmān), les pays de l'Indus (Sind), l'Arménie et le Caucase, le plateau iranien, les pays au sud de la Caspienne, le désert du Khurāsān, le Seistān, le Khurāsān et la Transoxiane. Mais à cet atlas de Balkhī il apporte deux modifications essentielles.
D'abord, il inverse le rapport de la carte et du commentaire : alors que l'œuvre de Balkhī, autant qu'on puisse en juger, ne concevait le commentaire, sans doute très bref, que comme le développement de la carte, Iṣṭakhrī donne tout son poids à ce commentaire, qui dès lors devient texte, la carte ne jouant plus qu'un rôle illustrateur. D'un atlas Iṣṭakhrī fait un livre, et d'une cartographie une géographie véritable.
Cette géographie s'attache, massivement, à la description des pays d'islam : la description de la Terre, avec ses îles, ses fleuves et ses mers, est confinée dans l'introduction ou exposée en forme d'intermède, lorsqu'il s'agit, en l'occurrence, des mers touchant les pays musulmans. Rien donc, ici, qui soit très original par rapport à l'œuvre du prédécesseur. En revanche, le développement même du texte, modification en soi, on l'a vu, en appelle une autre : loin de faire de ce texte un panorama (ou un choix) de divers thèmes géographiques traités par ses devanciers, Iṣṭakhrī, tout en ne se refusant pas à l'information livresque, axe la meilleure part de son donné sur les observations faites au cours de ses voyages. Ce souci du réel et de la vie, ce sens de la participation directe à l'élaboration du donné géographique étaient, certes, connus avant Iṣṭakhrī. Ce qui est nouveau, c'est la systématisation même et du voyage comme source de renseignements et de la consignation de ces observations personnelles comme fondement de la méthode. Ainsi la géographie tend-elle, grâce à Iṣṭakhrī, à se développer comme science, avec ses démarches propres. Le successeur d'Iṣṭakhrī, Ibn Ḥawqal, le prendra d'ailleurs à son propre piège, substituant une information personnelle jugée meilleure, la sienne, à celle de son devancier. Mais c'est à Iṣṭakhrī, en l'espèce, que reviendra le mérite d'avoir ouvert des voies décisives.
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Écrit par
- André MIQUEL : professeur au Collège de France
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Média
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IBN ḤAWQAL (Xe s.)
- Écrit par André MIQUEL
- 1 017 mots
Géographe arabe, le plus illustre représentant, avec Muqaddasī, de sa discipline en son âge d'or du ive siècle de l'hégire (xe s.), Ibn Ḥawqal est l'auteur d'un Livre de la configuration de la terre (Kitāb ṣūrat al-arḍ, éd. J. H. Kramers, Leyde, 1938 ; trad. franç....