ISTANBUL
Istanbul : la ville contemporaine
L'émergence d'une mégapole
Alors que, en 1950, Istanbul avait à peine plus d'un million d'habitants, en 1980 on en comptait 4,5 millions, et 12,57 millions en 2010 (pour l'ensemble du département). En l'espace de cinquante ans, c'est donc une mégapole sans équivalent sur le pourtour de la Grande Méditerranée qui a émergé, bouleversant radicalement les équilibres démographiques prédominant depuis des siècles. Désormais, le centre de gravité démographique de l'agglomération est périphérique, avec des arrondissements comme Gaziosmanpaşa (créé en 1963), Küçükçekmece (1988) et Ümraniye (1988), qui, à eux trois, concentrent plus de 2 millions d'habitants (sur les 39 arrondissements que comprend le Grand Istanbul depuis 2008). La péninsule historique, quant à elle, avait moins de 500 000 habitants en 2008. La croissance de la population s'est accompagnée d'un étalement de l'emprise urbaine, qui a abouti à la constitution d'une région urbaine d'un rayon supérieur à 80 kilomètres. Vers le nord, l'extension s'est faite en direction de la mer Noire, dont les rives sont atteintes, en arrière des flancs du Bosphore, relativement préservés par une loi de 1983.
Des changements démographiques radicaux
Cette croissance signifie par ailleurs une structure de la population toute différente par rapport au début du xxe siècle : alors que, en 1913-1914, un peu plus de 40 p. 100 de la population d'Istanbul était considérée comme « non musulmane », en 2006 cette proportion était inférieure à 3 p. 100. Les Arméniens (en 1915), les Grecs orthodoxes (Rum) – des années 1920 aux années 1970, avec une pointe de 1955 à 1964 –, les Juifs (en 1930, 1948, 1974), qui ont quitté la ville, ont été remplacés par des migrants de l'extérieur (des Balkans notamment), puis par des Anatoliens à partir des années 1950 ; ceux-ci marquent l'amorce des flux d'exode rural vers Istanbul. Cet exode s'est poursuivi intensément jusqu'au début des années 1990. Selon le recensement de 2000, près des deux tiers de la population d'Istanbul sont nés hors du département, les provenances les plus fréquentes étant les départements de Sivas (Anatolie centre-orientale), Kastamonu et Giresun (mer Noire centrale). L'immigration kurde vers Istanbul, en partie forcée depuis la fin des années 1980 à cause des violences agitant l'est du pays, fait de la mégapole, de facto, l'une des plus grandes concentrations kurdes de la région, sans que se soient constitués des ghettos ethniques. La tendance est plutôt à la formation de poches de pauvreté (zones centrales dégradées ou quartiers périphériques spontanés) ou, à l'inverse, de richesse extrême et ostentatoire (quartiers chics de la fin du xixe siècle ou gated communities apparues à partir du milieu des années 1980 aux marges de l'agglomération ou sur les bords du Bosphore), au-delà des différences ethniques.
Depuis 1990, si la croissance par apports extérieurs plafonne (peut-être provisoirement), la croissance naturelle s'infléchit, elle, moins rapidement ; le taux annuel de croissance de la population du département était de 5,4 p. 100 entre 1965 et 1970, de 4,4 p. 100 entre 1985 et 1990, de 3,3 p. 100 entre 1990 et 2000 ; il est nettement inférieur à 3 p. 100 depuis 2000. Métropole rayonnante, Istanbul est aussi un territoire attractif pour les circulants, de l'intérieur du pays ou de l'extérieur (Europe occidentale, Balkans), population turbulente qui peut participer par intermittence à son dynamisme. En outre, surtout depuis l'effondrement de l'U.R.S.S. et les guerres en Irak (1991...), Istanbul est affectée par des mobilités d'étrangers (Iraniens, Pakistanais, Irakiens... ), le plus souvent clandestins, en transit vers[...]
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Écrit par
- José GROSDIDIER DE MATONS : maître assistant à l'École pratique des hautes études
- Jean-François PÉROUSE : enseignant-chercheur, université de Toulouse Jean Jaurès
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