TEHUANTEPEC ISTHME DE

D’orientation nord-sud, l’isthme de Tehuantepec met les eaux atlantiques du golfe du Mexique à 200 kilomètres seulement de celles de l’océan Pacifique. Il est considéré comme la limite conventionnelle entre l’Amérique centrale et l’Amérique du Nord. Intégralement située au Mexique, la région de l’isthme ne correspond pas à une unité naturelle, économique ou politique.

D’un point de vue environnemental, l’isthme présente une certaine diversité. Sa partie nord est humide, tandis que le versant pacifique, au sud, connaît une saison sèche bien marquée. Dans les zones montagneuses des Chimalapas, la forêt tropicale a été largement défrichée pour laisser place à une agriculture diversifiée (élevage, maïs...). La limite climatique est proche d’une frontière administrative : le Nord, avec 1,7 million d’habitants (2020), appartient à l’État de Veracruz, alors que le Sud, avec 680 000 habitants, correspond à celui d’Oaxaca.

Économiquement, la façade atlantique reste marquée par la pétrochimie. En effet, le développement de la zone remonte aux années 1980, et il a conduit à la croissance de deux grands complexes pétrochimiques : l’un, situé à Coatzacoalcos (311 000 habitants en 2020), qui bénéficie d’un port relativement développé ; l’autre, à Minatitlán (144 000 habitants). Néanmoins, la croissance de ces villes s’est ralentie en raison des difficultés de la compagnie pétrolière mexicaine (PEMEX). D’attractive, la zone est devenue répulsive avec un solde migratoire négatif depuis les années 1990.

La façade pacifique de l’isthme est moins développée, et marquée par une forte identité zapotèque, plus de la moitié de la population déclarant parler la langue zapotèque (recensement de 2015). La ville ancienne de Tehuantepec joue le rôle de petite capitale administrative locale (avec 45 500 habitants en 2020) tandis que Salina Cruz a capté l’essentiel de la croissance de la zone, grâce à son port et à l’implantation d’une raffinerie.

Si l’isthme est reconnu comme un espace spécifique, c’est avant tout en raison des projets qui s’y sont succédé pour en faire un axe interocéanique concurrent au canal de Panamá. Repéré dès la fin du xviii^e siècle par les Espagnols, l’isthme de Tehuantepec est, en 1811, considéré par le savant allemand Alexandre de Humboldt comme un espace possible parmi huit autres pour creuser un canal interocéanique – tout en reconnaissant alors que l’intérieur de la région est trop mal connu. C’est finalement au niveau de Panamá, plus au sud-est, qu’un canal a été creusé et inauguré en 1914. Pour autant, le mythe d’un isthme stratégique n’a eu de cesse d’être entretenu par les autorités mexicaines qui rappellent l’âge d’or du début du xx^e siècle, quand la voie ferrée de l’isthme était un axe essentiel de transport de marchandises et argumentent sur la proximité des États-Unis, comparé à l’éloignement du Panamá. C’est occulter le fait que les altitudes au centre de la région dépassent 200 mètres, contre 26 mètres seulement à Panamá. Aussi, en guise d’alternative se sont succédé des plans de développement prévoyant de créer un axe de transports interocéanique qui bénéficierait du report de marchandises issu d’un canal de Panamá saturé. Après le plan Alfa-Omega (1980), le plan Puebla Panamá (2001), un autre programme de développement de l’isthme de Tehuantepec lancé en 2020 prévoit d’améliorer la ligne de chemin de fer et les axes routiers reliant l’Atlantique au Pacifique.

Pourtant, si la voie interocéanique a peu de chance d’avoir un rôle économique majeur, cette région a été reconsidérée à l’aune de deux relectures du territoire mexicain.

La première est issue de la réflexion menée au début des années 2000 sur les retards de développement du « Sud-Sud-Est mexicain », qui conduit les autorités[...]