ITALIE Langue et littérature
La littérature contemporaine
Quand on s’attache à tracer un parcours dans la littérature italienne des xxe et xxie siècles, on se heurte inévitablement à l’obstacle chronologique. Il est évident que la plupart des écrivains encore actifs au début du xxe siècle sont nés et ont déjà publié au siècle précédent. Italo Svevo (1861-1928) est, à cet égard, un cas emblématique : il publie ses deux premiers romans – Una vita(1892-1893) et Senilità(1898) – à la fin du xixe siècle, mais doit sa très grande renommée à la publication de La coscienzadi Zeno, qui paraît en 1923.
Un renouvellement du langage poétique
Si les vingt premières années du Novecento sont une période de transition, elles constituent aussi un formidable creuset de propositions poétiques novatrices. Gabriele D’Annunzio et Giovanni Pascoli représentent, à différents titres, le passage du xixe au xxe siècle, ne serait-ce que pour l’influence qu’ils exercent sur les deux principaux mouvements poétiques qui apparaissent dans la première décennie du Novecento : les crépusculaires et le futurisme. C’est, en revanche, autour des revues florentines Lacerba et La voce que l’on voit émerger tout un ensemble d’écrivains qui pratiquent une littérature expérimentale et raffinée sous le signe d’un spiritualisme éloigné à la fois des crépusculaires et des futuristes.
Le rôle joué par Giovanni Pascoli et Gabriele D’Annunzio dans le renouvellement que connaît le langage poétique au début du xxe siècle est une question largement débattue par la critique. Liés au symbolisme et prolongeant l’image romantique du vate, figure du poète qui guide le peuple protagoniste du Risorgimento, ces deux écrivains se réfèrent souvent aux sources classiques tout en revendiquant une forme de continuité avec la tradition poétique italienne des origines au xixe siècle. En dépit de ce qui le lie à la tradition, Pascoli sait aussi introduire des éléments de rupture : l’abolition de la différence entre les registres linguistiques « élevé » et « bas », le renouvellement de la métrique, le formidable enrichissement de la langue par le biais d’effets sonores au fort pouvoir évocateur et l’exploitation d’images symboliques. Cela fait de lui, selon un poète comme Pier Paolo Pasolini (1922-1975) et le critique Gianfranco Contini, le précurseur des expériences poétiques les plus significatives du Novecento. Quant à D’Annunzio, qui publie au début du siècle ses trois plus grands livres poétiques, les Laudi (1903-1904), s’il fut longtemps stigmatisé pour son esthétisme, son culte du moi et pour une perfection poétique « qui sonne faux » (R. Serra), il a exercé une influence considérable dans la première moitié du xxe siècle et prendra le surnom de Vate. À partir de 1911, il privilégie une nouvelle forme d’écriture, une prose brève et poétique qui devait influencer la « prose d’art » qui s’imposera dans les années 1920 et dont son admirable Notturno(1921) constitue un véritable modèle.
Le crépuscularisme
Le modèle d’annunzien est tellement marquant en ce début de xxe siècle que la recherche de nouvelles voies suppose une mise à distance du Vate. C’est ce que s’emploie à faire, avec une ironie souvent grinçante, une jeune génération d’écrivains, dont les principaux représentants sont Corrado Govoni (1884-1965), Marino Moretti (1885-1979), Sergio Corazzini (1886-1907) et, surtout, Guido Gozzano (1883-1916). Sans jamais donner vie à un véritable mouvement, ces auteurs sont unis, dans les années 1903-1914, par le rejet de l’idéologie d’annunzienne et des présupposés de l’esthétique décadente. C’est Giuseppe Antonio Borgese (1882-1952) qui, dans un article de 1910, invente, pour caractériser ce courant, l’étiquette de « poésie crépusculaire », entendant souligner par cet adjectif le déclin de la véritable grandeur poétique[...]
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Écrit par
- Dominique FERNANDEZ : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'italien, docteur ès lettres
- Angélique LEVI : ingénieur de recherche en littérature générale et comparée à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, traductrice
- Davide LUGLIO : DEA de littérature italienne contemporaine à l'université Sorbonne nouvelle, Paris
- Jean-Paul MANGANARO : professeur des Universités
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Médias