ITALIE Langue et littérature
Le théâtre contemporain
Au moment de la Libération, en même temps qu'il formulait une nouvelle Constitution, l'État italien avait mis en place une série de structures théâtrales dont les statuts paraissaient aptes à assurer le renouvellement artistique et culturel d'un théâtre jusque-là abandonné à lui-même. C'est ainsi que naissaient les teatristabili (troupes permanentes) organisés et financés par l'État. Leur tâche était non seulement de produire des spectacles et de revaloriser la fonction théâtrale auprès d'un public à définir, mais aussi d'être des écoles de formation pour les nouvelles générations d'acteurs et de metteurs en scène. Parallèlement aux stabili, les compagnies privées, régies en général par un acteur ou une famille d'acteurs dont elles prennent le nom, continuent d'exister.
La crise des institutions théâtrales publiques et les conflits avec les compagnies privées ou avec d'autres instances ont dominé la scène entre 1958 et 1964. Vers cette date, la crise semble se résoudre, mais en fait elle s'est simplement résorbée dans ses propres contradictions : les quelques efforts de changement opérés ne seront qu'une façon détournée de tout laisser en place comme avant, selon un mode bien illustré par Tomasi di Lampedusa dans son Guépard.
Cette crise a pourtant ouvert de nouveaux espaces aux recherches sur le théâtre et à la manière même de « faire du théâtre ». Et c'est plutôt vers cette avant-garde et ses expériences – dont les représentants les plus marquants sont Carmelo Bene et Dario Fo – qu'il faudra regarder pour trouver les véritables événements marquants de la scène italienne.
« Teatri stabili » et compagnies privées
La crise des stabili est due au fait qu'ils sont devenus de plus en plus des noyaux de pouvoir théâtral où l'on n'a accès que par un système classique de clientélisme et d'influences. Ils ont aussi manqué leur premier objectif, celui d'être une école pour les nouveaux acteurs. En fait, le tort majeur des stabili, et nous pensons surtout au Piccolo Teatro de Milan, a été de regrouper toutes leurs composantes autour d'une seule force : le metteur en scène. Maître absolu à bord, il fait et défait les spectacles, leur orientation idéologique, leur rapport avec le public qui ne peut qu'être ambigu (public essentiellement bourgeois, le public populaire trouvant ses loisirs à la télévision et au cinéma), sans parler du choix des acteurs. Ainsi s'explique l'existence de « démiurges » tels que Giorgio Strehler et Paolo Grassi ou Luchino Visconti à Milan, Orazio Costa à Rome, pour ne citer que les plus célèbres... Il est vrai que tous ces metteurs en scène ont réussi à donner de très grands spectacles ; il suffirait de citer Il Servitore di due padroni (Arlequin serviteur de deux maîtres) et Le Baruffechiozzotte (Barouf à Chioggia) de Goldoni ou L'Opéra dequat'sous de Brecht pour s'en persuader.
Un autre problème lié à l'activité des démiurges-metteurs en scène est celui de leur spécialisation : ainsi Strehler est devenu le représentant attitré de Brecht en Italie et en Europe. Il l'a mis en scène régulièrement, épuisant la presque totalité de son répertoire, et demandant au Piccolo Teatro de Milan des efforts financiers considérables sans que les résultats artistiques soient toujours en rapport.
À côté de l'action imprécise et souvent brouillonne des stabili, il y a celle des compagnies théâtrales privées. Le conflit qu'elles ont vécu avec les premiers a donné quelques bons résultats : elles ont dû bientôt se dégager de leurs aspirations culturelles quasi nationalistes (voire régionalistes) pour jouer des auteurs étrangers de premier plan, tout en négligeant l'apport de grands théoriciens (Meyerhold, Artaud). Elles[...]
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Écrit par
- Dominique FERNANDEZ : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'italien, docteur ès lettres
- Angélique LEVI : ingénieur de recherche en littérature générale et comparée à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, traductrice
- Davide LUGLIO : DEA de littérature italienne contemporaine à l'université Sorbonne nouvelle, Paris
- Jean-Paul MANGANARO : professeur des Universités
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Médias