ITCHŌ HANABUSA (1652-1724)
Hanabusa Itchō est l'incarnation même de l'esprit d'une époque et son œuvre, le reflet d'une atmosphère culturelle.
Avec ses contemporains Ogata Kōrin (1658-1716) et Hishikawa Moronobu (mort vers 1694), il forme le groupe le plus significatif de l'époque Genroku (1688-1704), cet âge d'or de la culture Edo. Tous trois connurent la gloire de leur vivant et leur art exprime un même climat social et culturel : montée d'une bourgeoisie économiquement puissante, épanouissement d'une culture originale, citadine et d'inspiration populaire, mécénat d'une élite bourgeoise qui se substitue à l'aristocratie. Mais chacun d'eux représente un courant différent : Kōrin interprète magistralement la grande peinture décorative, Moronobu fonde le courant populaire de l'Ukiyo-e ; Itchō, quant à lui, rénove la tradition académique par un art plein d'esprit et en reprenant des thèmes populaires.
Mais alors que Kōrin et Moronobu n'ont cessé d'être appréciés, tant au Japon qu'en Occident, l'œuvre d'Itchō a subi un déclin d'intérêt. L'éclipse actuelle d'un artiste aussi talentueux est uniquement due, semble-t-il, au fait que son œuvre est trop conditionnée par l'esprit de son temps et que sa verve a un caractère trop national pour se faire priser à sa juste valeur à l'étranger.
D'une formation traditionaliste à un art personnel
Né à Ōsaka, fils de médecin, Itchō vint s'installer à Edo, avec sa famille, à l'âge de quinze ans. Il entra très tôt dans l'atelier de Kanō Yusunobu (1613-1685), le jeune frère de l'illustre Tanyū. Mais il manifesta tout de suite un caractère non conformiste, son tempérament artistique regimba aux conventions de l'école et son indépendance d'esprit le brouilla rapidement avec son maître. Considéré dès lors comme un renégat de l'école Kanō, il poursuivit sa carrière à sa guise. À en juger par certaines de ses œuvres, il étudia le style de l'école Tosa, s'intéressa aux mouvements chinois, mais son passage dans l'atelier des Kanō l'avait marqué fortement. En réaction toujours plus nette contre l'académisme, son style prit une allure autonome, s'imprégna de poésie et plus volontiers d'humour. En fait, son art est moins une synthèse de diverses tendances picturales qu'un certain reflet des milieux bourgeois de l'ère Genroku, exprimant liberté d'esprit et raffinement culturel.
Itchō réalisa de grandes compositions, mais on le sent plus à l'aise dans des œuvres plutôt restreintes, où se donnent libre cours sa fantaisie et son humour. S'il maîtrise incontestablement le paysage, il excelle surtout dans les scènes de la vie quotidienne et les tableaux populaires. Son absence d'emphase et d'académisme, lorsqu'il traite de sujets traditionnels, son ton quelque peu sophistiqué et sa grande distinction dans les sujets populaires assurèrent son succès auprès de l'élite bourgeoise, à qui s'adressait son œuvre.
Mais cet esprit bohème et volontiers frondeur, qu'il partageait avec l'intelligentsia d'Edo, indisposa les dirigeants du pays, soucieux d'asseoir leur autorité par un régime policier et d'étouffer tout foyer d'opposition, fût-il purement intellectuel. Une allusion fort irrévérencieuse au shōgun de l'époque, dans une de ses peintures, lui valut l'exil en 1697. Touché en pleine gloire, relégué dans l'île de Miyake-shima, Itchō ressentit cruellement cet éloignement d'Edo, en citadin et habitué qu'il était des cercles artistiques et littéraires. Il obtint cependant un privilège rare pour un exilé : continuer à peindre et à faire vendre ses œuvres à Edo. Aussi l'exil ne fut-il pas pour lui le temps de l'oubli ; ses peintures, envoyées régulièrement, entretinrent chez ses[...]
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Écrit par
- Chantal KOZYREFF : conservatrice des collections Japon, Chine et Corée aux Musées royaux d'art et d'histoire, Bruxelles, gestionnaire des musées d'Extrême-Orient
Classification
Autres références
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