ITINÉRAIRE DE PARIS À JÉRUSALEM, François René de Chateaubriand Fiche de lecture
Publié en février 1811, quelques jours après la réception de François René de Chateaubriand (1768-1848) à l'Académie française, Itinéraire de Paris à Jérusalem est le récit du voyage effectué par l'auteur en Grèce, en Asie Mineure et en Palestine, avant son retour par l'Égypte, l'Afrique du Nord et l'Espagne, entre le 13 juillet 1806 et le 5 juin 1807.
Chateaubriand est alors un écrivain reconnu, dont LeGénie du christianisme (1802),quiinclut les romans Atala et René, aconnu un immense succès. En pleine rédaction des Martyrs (1809), qui se veut une épopée des débuts du christianisme, il éprouve le besoin de se rendre sur les lieux mêmes où se déroule l'action : « La plupart des livres de cet ouvrage étaient ébauchés ; je ne crus pas devoir y mettre la dernière main avant d'avoir vu les pays où ma scène était placée… »
La relation de ce voyage, qui reçut un accueil très favorable, clôt d'une certaine manière l'œuvre « littéraire » de Chateaubriand, qui se consacrera désormais à sa carrière politique et à la rédaction des Mémoires d'outre-tombe.L'auteur continuera néanmoins à remanier le texte, dans le sens de la simplification, au fil des éditions successives, jusqu'à la publication des Œuvres complètes entre 1826 et 1831.
Un voyage dans le temps
Le récit, divisé en sept parties et ponctué de dates à la manière d'un journal de bord rétrospectif, fruit de notes prises au jour le jour, suit la chronologie du périple maritime et terrestre de Chateaubriand. Celui-ci est accompagné la plupart du temps de son domestique Julien et, au gré des étapes, de guides et d'escortes. Après avoir traversé le nord de l'Italie jusqu'à Trieste, il embarque pour la Grèce, atteinte par quelques îles, puis par le sud du Péloponnèse, d'où il rejoint Athènes en passant par Olympie, Sparte, Argos, Mycènes et Corinthe. Il poursuit sa route à travers l'actuelle Turquie, jusqu'à Constantinople, puis se mêle à des pèlerins en partance pour la Palestine et Jérusalem.
« C'était donc à cette tribune que Périclès, Alcibiade et Démosthène firent entendre leur voix ; que Socrate et Phocion parlèrent au peuple le plus léger et le plus spirituel de la terre ! » Si la première partie est sans surprise habitée par la mémoire des hauts lieux et des grands noms de la Grèce antique, le véritable point d'orgue du livre, qui occupe les troisième, quatrième, cinquième et sixième parties, est la visite des lieux saints, et, plus largement, des régions qui ont vu naître le christianisme : Bethléem, la mer Morte, le Jourdain et, bien sûr, Jérusalem.
Les quelque quarante jours passés ensuite en Égypte convoquent un troisième grand imaginaire : « C'était là pourtant cette Alexandrie, rivale de Memphis et de Thèbes, qui comporta trois millions d'habitants, qui fut le sanctuaire des Muses, et que les bruyantes orgies d'Antoine et de Cléopâtre faisaient retentir dans les ténèbres. » Mais, comme l'indique le titre de l'ouvrage, cette étape s’inscrit déjà sur le chemin du retour. Après six longues semaines d'attente à Tunis, le voyage s'achève enfin avec la traversée de la Méditerranée jusqu'à l'Espagne, remontée par Cadix, Cordoue, Grenade, Madrid, puis Bayonne, et le retour à Paris.
Cette fin est d'une étonnante brièveté : peu disert sur le séjour à Tunis, prétexte à un cours sur l'histoire carthaginoise, Chateaubriand l'est encore moins sur l'Espagne avec deux pages en tout et pour tout ! Il est vrai qu'il se garde bien d'évoquer ici ses retrouvailles, à Grenade, avec sa maîtresse Natalie de Noailles, principale raison peut-être de son impatience à conclure, sur un bref bilan (« …j'arrivai le 5 à Bayonne, après avoir fait le tour entier de la Méditerranée… ») et sur l'adieu à la littérature[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
Classification
Autres références
-
CHATEAUBRIAND FRANÇOIS RENÉ DE (1768-1848)
- Écrit par Patrick BERTHIER
- 6 228 mots
- 1 média
...13 juillet 1806 pour le regagner le 5 juin 1807, parcourut la Grèce, l'Asie Mineure, la Palestine, l'Égypte, la Tunisie et l'Andalousie ; il décrivit dans l'Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811) ce périple, « course rapide d'un homme qui va voir le ciel, la terre et l'eau » (Préface de la 3... -
RÉCIT DE VOYAGE
- Écrit par Jean ROUDAUT
- 7 128 mots
- 2 médias
...les déplacements par eau, par route et en « coucou », sur les lieux de logement. Si Stendhal nous reste plus proche que Chateaubriand, c'est que dans L'Itinéraire de Paris à Jérusalem les lieux parlent de leur antiquité et non de leur présent, et que la matière du récit de voyage est pour... -
ORIENTALISME, art et littérature
- Écrit par Daniel-Henri PAGEAUX et Christine PELTRE
- 10 996 mots
- 8 médias
...entre 1809 et 1811. Son rôle au sein du philhellénisme reflète celui que la littérature joue en général au sein de l'orientalisme en ses premiers élans. L'Itinéraire de Paris à Jérusalemde Chateaubriand a déjà ouvert en 1811 la voie de l'ailleurs, annonçant la vogue du récit de voyage... -
ROMAN D'AVENTURES
- Écrit par Sylvain VENAYRE
- 3 878 mots
- 9 médias
À la fin du xviiie siècle, une mutation remarquable vient affecter le genre du récit de voyage : alors que l’âge classique avait privilégié les connaissances rapportées par le voyageur, le nouveau récit s’organisa autour de la personnalité de ce dernier, de ses sentiments, des aventures survenues...