PERETZ ITZHAC LEIBOUCH (1852-1915)
Une fulgurante carrière
Les cinq mille pages que Peretz a laissées témoignent de la portée et de la qualité de son message. Sa nature inquiète, impatiente, le portait tout à la fois vers les réalisations concrètes, immédiates et vers la perfection. Elle ne lui a pas permis d'écrire un seul roman. Le meilleur de lui-même, il l'a livré dans ses essais, contes et nouvelles.
Son immense sollicitude pour les masses juives laborieuses, pauvres et persécutées, amena Peretz à se pencher sur le sort des individus et pas seulement sur l'ensemble. Cela nous a valu des narrations réalistes et socio-culturelles puissantes qui ont nom : Dans le sous-sol (In keller-chtib), La Paix au foyer (Cholem-baïss), Tableaux d'un voyage en province (Bilder foun a provintz raïsé), La Répudiée (Di Farchtoïssènè), Bontché le silencieux (Bontché chvaïg), Les Trois Cadeaux (Di draï matoness), titres devenus célèbres auxquels le grand public tout autant que les lettrés se réfèrent constamment.
Érudit, profondément imprégné de culture juive, Peretz a tiré du fonds talmudique et post-talmudique traditionnel, la substance de ses remarquables recueils de Contes folkloriques(Folkstimlikhè geschikhtn), plus savoureux, plus ciselés les uns que les autres et dont on ne citera que : La Lanterne quadricolore (Der fir-farbiker lamtern), De la paix éternelle au pays de quelque part (Foun ébikn fridn in erguetzland), Au chevet d'un agonisant (Baïm goïssess tzou kopns), Sarah, fille de Touvim (Sorè bass Touvim).
Sous sa plume, le hassidisme, dépouillé des abstractions et des obscurités kabbalistiques, apparaît dans son humaine et lumineuse simplicité initiale. Citons de ce point de vue : Entre deux montagnes (Zvichn zvei berg), Si ce n'est plus haut encore (Oïb nicht nokh hèkhèr), Berl le tailleur (Berl der chnaïder), Métamorphose d'une mélodie (A guilgoul foun a nigoun).
Ses thèmes favoris, Peretz les a aussi portés sur la scène. Ce sont en fait des œuvres poétiques traitées en forme de drames : La Nuit sur le vieux marché (Baïnakht oïfn altn mark), Enchaîné sous le porche (In polich oïf der kaït), La Chaîne d'or (Di goldènè kaït). Cette dernière pièce est un des chefs-d'œuvre de la littérature yiddish.
La langue de Peretz, exprimée en vers ou en prose, est brève, condensée, mûrie. Pas de mots inutiles ou plats. Ses ouvrages se distinguent aussi par leur concision, qu'il s'agisse d'essais, de contes, de poèmes, d'œuvres dramatiques. Ils manifestent presque toujours une élévation de pensée et de sentiments exaltante. Chacun de ses écrits si variés est un joyau littéraire en même temps qu'une source d'inspiration, de sorte que, du vivant même de l'auteur, on ne se contentait pas de le lire, on l'étudiait.
Dans sa recherche passionnée de l'homme complet, de ce qui devrait être, Peretz prenait volontiers pour modèle l'éthique individuelle et sociale qui caractérise le hassidisme. Ses personnages, marqués par leur noblesse de cœur, leur générosité totale, la ferveur qui les maintenait au-dessus de la grisaille quotidienne, sont souvent des « Juifs sabbatiques », comme il les appelait, ceux à qui un « supplément d'âme » est accordé en permanence.
I. L. Peretz, disparu alors que la guerre ravageait la Pologne, ne disposait que de peu de loisirs pour accomplir son œuvre d'écrivain, de chef d'école, de réformateur et de pédagogue. Car, durant ses vingt-cinq dernières années, passées à Varsovie, il était employé au siège de la Communauté juive, en qualité d'administrateur des cimetières ! Aux obsèques de l'écrivain, son chef de service eut ce mot : « M. Peretz était un grand homme : il n'est jamais venu en retard à son travail... »
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Écrit par
- Isaac POUGATCH : écrivain, traducteur
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