IVANHOÉ, Walter Scott Fiche de lecture
Ivanhoé, qui prend pour cadre historique le retour de Richard Cœur de Lion en Angleterre après la fin de la troisième croisade et de sa captivité en Autriche, jouit d'une réputation différente en France et en Grande-Bretagne. Outre-Manche, on y voit l'un des nombreux chefs-d'œuvre de Walter Scott (1771-1832), dans le genre littéraire du roman historique qu'il créa et maîtrisa. En France, Ivanhoé passe, avec Quentin Durward (1823), pour l'œuvre par excellence de Scott. Il est vrai que trop de lecteurs français ignorent des récits aussi aboutis que Le Cœur du Mid-Lothian (1818), Waverley (1815), ou Old Mortality (1816, que son titre français, Les Puritains d'Écosse, n'incite guère à lire). Autant de livres qui témoignent de la force créatrice d'un très grand écrivain écossais.
Né en 1771 à Édimbourg, Walter Scott était devenu sir Walter lorsqu'il mourut dans sa seigneuriale demeure d'Abbotsford en 1832. Entre ces deux dates se situe une existence relativement brève mais bien remplie : de bonnes études, une belle carrière de juriste et de haut fonctionnaire, un mariage (en 1797) avec une jeune femme d'origine française, et une surabondante production littéraire. Scott commence avec éclat par une série de longs poèmes entre 1802 et 1815 ; quand il cesse, avec le soudain triomphe de Byron, d'occuper la première place, Scott passe au roman et publie anonymement Waverley en 1815 ; ses vingt et un romans suivants (dont Ivanhoé en 1819) seront signés par « l'auteur de Waverley ». En 1827, Scott reconnaît enfin la paternité de son œuvre romanesque. Victime d'un désastre financier à la suite de spéculations éditoriales aventureuses, il travaillera dur pendant ses dernières années pour éponger des dettes écrasantes ; il y parvient en écrivant encore quatre romans, ainsi que des ouvrages historiques, des nouvelles, tout en menant à bien une édition de ses œuvres complètes avec des préfaces et des annotations.
Un art de la reconstitution historique
Paru après la série des grands romans écossais de Scott, Ivanhoé met en scène des figures historiques et des personnages inventés ; il insiste sur les conflits qui déchiraient l'Angleterre à la fin du xiie siècle. Au sommet, les fils de Henri II se disputent le pouvoir : le prince Jean compte bien supplanter sur le trône son demi-frère Richard, excellent guerrier qui, s'il a accompli pendant la croisade quelques exploits, a eu la maladresse de se faire capturer en traversant le territoire autrichien sous un déguisement. Les hobereaux et les aristocrates habitant sur le sol anglais se divisent en deux partis : celui des Normands et celui des Saxons, qui, par leur fusion progressive, ont créé la nation britannique et façonné sa langue. Scott montre que l'ordre militaro-religieux des Templiers joue, quant à lui, un rôle extrêmement trouble dans toutes les querelles intestines.
Le sujet du roman concerne donc les fondements mêmes de la nation anglaise. Il est traité avec un brio extraordinaire, dans un enchaînement de tournois, de combats singuliers, d'enlèvements, de sièges de châteaux, comme celui de Torquilstone. Le talent de Scott se déploie dans les récits d'événements violents et tragiques et dans la capacité à faire vivre une multitude de personnages, y compris secondaires, comme Robin des Bois ou Frère Tuck. Deux joutes et une grande bataille marquent les temps forts de ce récit haletant. Le début de la première rencontre peut en donner une faible idée : « Les trompettes n'eurent pas plus tôt donné le signal, que les champions quittèrent leurs positions de départ à la vitesse de l'éclair, et se rejoignirent au centre de la lice dans un fracas tonitruant. Leurs lances volèrent en éclats jusqu'à la poignée, et on les crut un instant renversés tous les deux, car la violence du choc avait fait plier les chevaux sur leurs jarrets de[...]
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Écrit par
- Sylvère MONOD : professeur émérite de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
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SCOTT WALTER (1771-1832)
- Écrit par Raymonde ROBERT
- 1 776 mots
...la gloire de Byron, Scott tente alors l'aventure du roman et publie, en 1814, Waverley ou Il y a soixante ans (Waverley or 'Tis Sixty Years Ago). Le succès est immédiat en Angleterre ; il atteint son apogée vers 1820 avec la parution d'Ivanhoéet se maintient à un niveau plus qu'honorable...