FROUNBERG IVAR (1950- )
Né en 1950 à Copenhague, le compositeur Ivar Frounberg fut, dans son pays, le premier à s'intéresser à l'ordinateur et à ses possibilités de manipulation en direct du matériau sonore (live electronic music). Il obtient son diplôme d'organiste en 1976 au Conservatoire royal de sa ville natale, où il sera ultérieurement nommé professeur de musique électro-acoustique puis de composition, avant d'enseigner cette dernière discipline à l'Académie norvégienne de musique, à Oslo.
Frounberg s'attache à mettre en forme l'expansion temporelle, grâce à la mise en pratique de processus compositionnels qui développent ceux de ses maîtres.
Stockhausen ? Parce que les Klavierstücke explorent non plus les unités de temps communes aux pulsations mais les divisions de ces unités.
Xenakis ? Parce que celui-ci délaissa l'espace tempéré et la hiérarchie des hauteurs afin de se pencher sur les masses sonores et les intervalles infrachromatiques ; et parce qu'il inventa la musique stochastique, constituée d'états sonores dont la succession est régie selon des lois probabilistes qui permettent de choisir et d'organiser les « particules sonores » : hauteurs, timbres, passages d'un état à un autre, comme celui du discontinu au continu, de l'ordre au désordre... Frounberg s'appropriera cette combinatoire en réintégrant un concept nié par Xenakis : l'harmonie, considérée cependant non plus dans son acception tonale, mais dans son élargissement modal, atonal et dodécaphonique. Xenakis encore, parce que Frounberg envisage le temps musical de façon discontinue.
Varèse ? Parce que Frounberg considère le son comme un élément structurel autonome sur lequel la pensée compositionnelle peut fonder une combinatoire. Comme lui, Frounberg pense les hauteurs en fonction des fréquences mais aussi en fonction des paramètres timbre et intensité, auxquels il ajoute des transformations des sources sonores.
Feldman ? Pour sa liberté formelle, son attention à l'événement sonore le plus ténu, l'indétermination formelle alliée à un matériau simple, minimaliste, à des sonorités discrètes, à des timbres soigneusement composés.
Chez Frounberg, l'œuvre nous cache les opérations combinatoires qui ont préludé à sa conception, soit que celles-ci sont trop fines pour notre entendement, soit que ces opérations, se superposant à plusieurs niveaux du matériau, s'entremêlent tant qu'il devient impossible d'en retracer l'origine.
La quasi-totalité du langage de Frounberg est déjà contenue dans ses premières partitions. Dès Drei-Klang, pour ensemble de chambre (1982), on remarque de courtes cellules mélodiques, des intervalles simples, une tendance à l'homorythmie ; l'ajout d'éléments rythmiques organise peu à peu le temps en séquences. Cette économie de matériau qui refuse la linéarité de la polyphonie se pare, en contrepartie, d'un amour du timbre qui jamais ne se démentira, et cela dès Five Echoes of a sonata, pour clarinette, percussion et piano (1978). Précisons que ses modes de jeux instrumentaux n'ont rien à voir avec un quelconque « catalogue d'effets », chaque timbre devant être considéré comme un élément structurel à part entière, au même titre que le rythme.
La réflexion de Frounberg sur l'aléatoire date aussi de ses premières compositions et se retrouve, plus ou moins sensible, dans ses œuvres ultérieures. De la même façon, il emploie indifféremment et sans systématisme des échelles dodécaphoniques ou micro-intervalliques. Par exemple, dans Multiple Forms, pour cinq groupes orchestraux (1986), Frounberg explore l'imprévisibilité au sein d'une harmonie « brouillée », emplie d'une liberté et d'une souplesse rythmique obtenue par le moyen le plus simple qui soit : le décalage. Il joue avec une harmonie chromatique,[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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