MALEC IVO (1925-2019)

La rencontre de Pierre Schaeffer à Paris en 1955 a joué pour Ivo Malec – compositeur, chef d'orchestre et pédagogue français d'origine croate, né à Zagreb le 30 mars 1925 – un rôle capital dans son évolution, et déterminant dans sa vie. Après des études universitaires et musicales très brillantes dans sa ville natale, Ivo Malec gagne sa vie comme chef d'orchestre lyrique en Yougoslavie (il se révélera un remarquable chef pour la musique contemporaine). Dès sa rencontre avec Schaeffer, il commence à collaborer aux travaux que celui-ci dirige sur la musique concrète. Malec se fixe définitivement en France en 1959, devient un des animateurs les plus solides du Groupe de recherches musicales de l'ORTF ; il est professeur de composition au Conservatoire national de Paris de 1972 à 1990, où il succède à Henri Dutilleux.

Passionné par l'ouverture nouvelle que cela implique pour l'enrichissement et le renouvellement du langage musical, Malec s'engage tout entier dans l'apprentissage de la manipulation sonore (création du matériau brut, lois des assemblages). Il apprend à écouter d'une nouvelle manière. Persuadé du « droit d'aller plus loin » qui justifie à ses yeux les recherches de Schaeffer sur l'objet sonore, Malec va orienter sa création dans ce sens. Œuvres pour bande magnétique, bien sûr (Mavena, 1957 ; Reflets, 1961 ; Dahovi I, 1961, et II, 1962 ; Bizarra, 1972 ; Recitativo, 1980 ; Carillon choral, 1981 ; Artemisia, 1991). L'expérience acquise et les découvertes faites sur la bande vont insuffler une vie et un langage nouveaux à l'écriture instrumentale (Sigma, 1963, pour orchestre, où se glisse l'esprit du « mixage » sonore). D'autres expériences, où la bande se mêle aux instruments, les uns et les autres réagissant les uns par rapport aux autres – Tutti (1962) pour orchestre, et l'étonnante Cantate pour Elle, pour soprano, harpe et bande (1966), Attacca, concerto pour percussion soliste et bande magnétique (1986), où Malec cherche délibérément « ce que l'on peut faire avec ce qui n'est pas à faire » –, révèlent l'originalité et la puissance de sa démarche. La triple expérience des 3 L (1966-1970) donne en trois œuvres indépendantes et interdépendantes, un exposé complet de cette recherche : Luminétudes, recherche et exposition du matériau sur la bande ; Lumina, œuvre mixte, confrontation et fusion de la bande et de douze instruments à cordes ; Lied, extension à trente-neuf cordes et à dix-huit voix, les voix faisant ici l'office de la bande. L'expérience vocale, où la voix devient génératrice de sons, est poussée encore plus loin dans des œuvres comme Dodécaméron, 1970, pour douze voix solistes, Vox, vocis, f., 1979, pour trois voix de femmes et neuf instruments ; Epistola, 2006, pour quatre solistes vocaux, chœur et orchestre.

Un souffle puissant et généreux, un sens de la fête sonore et de la couleur instrumentale (Miniatures pour Lewis Carroll, 1964) et orchestrale (formation qu'il affectionne et qu'il ne craint pas d'aborder d'emblée) s'accordent à créer parfois des œuvres de larges dimensions : Oral (1966-1967) pour « récitant-comédien-musicien » et grand orchestre (d'après Nadja d'André Breton) ; Un contre tous (1971), théâtre musical (d'après des textes de Victor Hugo) ; Gam(m)es pour grand orchestre et deux chefs (1971), Arco-22 (1976) pour vingt-deux instruments à cordes ; Exemples (1988) pour grand orchestre ; Sonoris causa (1997), pour orchestre ; Arc-en-cello (2003), concerto pour violoncelle et orchestre. Autant d'expériences, toujours conduites dans la plus grande rigueur de l'écriture et la probité de l'engagement – au-delà de ses propres peurs – qui poussent toujours plus loin une recherche d'expression nouvelle ouvrant sans doute[...]