GITLIS IVRY (1922-2020)
Flamboyant virtuose classique, le violoniste israélien Ivry Gitlis n’a pas craint de fréquenter le cinéma, la télévision, la chanson, le jazz et même la pop. Ce funambule anticonformiste, habité par un fort charisme, est très vite devenu un artiste populaire.
Issu d’une famille ukrainienne qui pratique la musique, Ivry Gitlis naît le 25 août 1922 à Haïfa, ville située à l’époque en Palestine sous mandat britannique. Il entame l’étude du violon dès l’âge de cinq ans et donne, quatre ans plus tard, son premier concert à Jérusalem. BronislawHuberman le remarque et l’envoie poursuivre sa formation au Conservatoire de Paris sous la férule de Jules Boucherit. À l’âge de treize ans, il y décroche un 1er prix de violon. Réfugié en Angleterre pendant la Seconde Guerre mondiale, il se perfectionne successivement auprès de Carl Flesch, Georges Enesco, Jacques Thibaud et Théodore Pashkus. Candidat au concours Marguerite-Long–Jacques-Thibaud (Paris, 1951), il n’obtient, au grand scandale du public, que le 5e prix. Il donne, quelques mois plus tard dans la capitale française un récital triomphal qui lance sa carrière. Ses débuts aux États-Unis, en 1955, sont suivis de nombreuses tournées dans le monde entier. Sur un Gianbattista Roggeri de 1699, « le Hawks », puis sur un Antonio Stradivarius de 1713, « le Sancy », son tempérament fougueux l’amène à privilégier l’univers concertant plutôt que les délicats équilibres de la musique de chambre. Son goût affirmé pour les grandes partitions romantiques n’exclut en rien un vif intérêt pour les œuvres du xxe siècle. Il crée en 1971 Pièce pour Ivry, de Bruno Maderna, qui lui est dédiée, et, en 1972, Mikka de Iannis Xenakis. Son jeu, au-delà d’une technique de haute volée, montre une irrépressible liberté expressive proche de l’improvisation, souvent envahie d’une fièvre toute tzigane, ce qui a parfois le don d’irriter une critique sourcilleuse. À défaut d’être toujours un styliste irréprochable, Ivry Gitlis demeure un fascinant interprète. Alors qu’il réside en France depuis de nombreuses années, il fonde à Vence en 1972, puis à Menton et à Saint-André-de-Cubzac, des festivals où il anime des rencontres détendues entre musiciens et auditeurs. Il côtoie aussi bien Dizzy Gillespie, Stéphane Grappelli et son ami Léo Ferré que Yoko Ono, Eric Clapton et John Lennon. De nombreuses apparitions à la télévision – notamment dans « Le grand échiquier », de Jacques Chancel – favorisent la diffusion de la musique classique auprès du grand public. En 1982, Ivry Gitlis accepte le rôle d’un clochard violoniste dans un épisode des Enquêtes du commissaire Maigret. Quant au cinéma, il fait appel à lui à plusieurs reprises : L’Histoire d’Adèle H. (François Truffaut, 1975), Un amour de Swann (Volker Schlöndorff, 1984), Louise, Take 2 (Siegfried, 1998), Sansa (Siegfried, 2003), Des gens qui s’embrassent (Danièle Thompson, 2013). Il interprète le concerto pour violon que Vladimir Cosma a écrit pour La Septième Cible de Claude Pinoteau (1984). Son autobiographie, L’Âmeet la corde paraît en 1980. Ivry Gitlis se produit en public jusqu’au début des années 2010. Il meurt à Paris le 24 décembre 2020.
Il nous laisse une discographie construite sur une durée de presque soixante-dix ans. N’y figurent ni les sonates et partitas de Bach, ni les concertos de Mozart, Beethoven ou Brahms, partitions délaissées au profit de pages moins fréquentées signées Hindemith, Stravinsky, Haubenstock-Ramati ou Gimpel. Le violoniste se montre à son meilleur dans les concertos de Paganini, Mendelssohn, Tchaïkovsky, Berg – son interprétation du concerto À la mémoire d’un ange est saluée en 1953 par un grand prix du disque –, Sibelius et Bartók, qu’il enregistre à plusieurs reprises au cours de sa longue et brillante carrière.
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média