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IZIS ISRAËL BIDERMANAS dit (1911-1980)

Reporter et poète, Izis (Israël Bidermanas) pourrait symboliser la génération des photographes des années 1950. Dans les nombreux livres qui jalonnent sa carrière comme dans les reportages destinés aux magazines, il a toujours préféré l'intimisme au sensationnel et la ballade sentimentale aux parcours guerriers. Homme de presse et d'édition, il a été le collaborateur privilégié des poètes et des écrivains. Izis est né à Mariampolé, en Lituanie ; son père le destinait à l'ébénisterie. Le jeune homme ne suivra pas la voie tracée, il restera pourtant un artisan, amoureux des matières polies et de l'ouvrage bien faite. Et il évoquera toujours, dans son travail comme dans ses discussions, ces moments de son enfance où, sur la place d'un village lituanien, dans des lumières d'automne, s'installait un pauvre cirque ambulant, tout chargé de poésie, même si le spectacle était pauvre. Dès l'enfance, le cirque et ses baladins, qu'il a photographiés mieux que tout autre dans leur tristesse, faisaient partie de l'univers d'Izis. Ce n'est pourtant qu'en 1955 qu'il pourra consacrer un ouvrage à ce travail de toute une vie en publiant aux éditions Sauret, avec une Préface de Prévert, un très bel album intitulé Le Cirque d'Izis.

En 1924, il devient apprenti photographe à Mariampolé, où il reste encore quelques années avant de venir s'installer à Paris en 1930, comme d'autres photographes de l'Est qui avaient nom Brassaï ou Kertész. En 1934, il s'installe à son compte et fait des portraits d'enfants, des vues de communions et de mariages– lot commun du photographe au travail – quand la guerre l'oblige à gagner en 1940 le Limousin où il vit en faisant de la retouche pour les photographes locaux, tout en entretenant des liens étroits avec les réseaux de résistants. En août 1944, Limoges est libérée ; Izis s'engage alors dans les F.F.I. qu'il photographiera pour une exposition limougeaude, la première d'une série prestigieuse qui ne cessera qu'à sa mort.

C'est aussi en 1944 qu'il entre à Paris-Match où, durant vingt ans, il va fournir chaque semaine les images remarquables d'un reportage en marge. Détestant la violence, l'aventure et la guerre, il devient le spécialiste des « instants où il ne se passe rien » et réalise en particulier des portraits d'artistes, des reportages sur la vie quotidienne des célébrités, dans une approche humaniste que l'on peut rapprocher de cette école « à la française » qui, avec Doisneau, Ronis, Boubat et Bovis impose une photographie de charme, le « réalisme poétique » des années 1950. En 1964, il crée l'événement en publiant vingt pages en couleurs sur le nouveau plafond de l'Opéra, peint par son ami Chagall : Paris-Match avait osé publier l'intégralité de son reportage et c'était la première fois qu'un magazine français consacrait autant de pages à la couleur pour mettre en avant deux artistes.

Du Museum of Modern Art de New York à la galerie Agathe Gaillard à Paris, de Chicago à Tel-Aviv, ses expositions développaient toujours son amour de Paris, des rues et des passants, des petits métiers, des vendeurs de muguet du 1er-Mai, de la cocasserie des rencontres un amour servi par un sens très sûr de la lumière. Ambiance de gris chauds, de matières sensuelles et moirées que l'on retrouve dans les six livres qu'il a publiés en compagnie de Cocteau, Prévert, Colette, Malraux et Roy McMullen. Si Paris est le thème de prédilection, un voyage londonien ou une approche poétique du monde de Chagall donnent lieu à une maîtrise totale de l'édition. Des épreuves qu'il tire lui-même jusqu'à la mise en pages de ses publications, Izis suit avec rigueur les diverses étapes pour dire, « avec mes mots à moi, les images », les nuances de son émotion.[...]

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