VAN EYCK (H. et J.)
La thématique de Jan van Eyck
L'œuvre de Jan van Eyck, en dehors du chef-d'œuvre de Gand, est composée surtout de portraits et de représentations mariales, les deux thèmes étant parfois regroupés dans celui de la « Vierge au donateur ». Une admirable série de portraits fait de l'artiste le génial fondateur du portrait occidental. Il s'agit presque toujours d'effigies isolées en buste, avec ou sans les mains ; le visage, vu de trois quarts, est tourné vers la gauche, et plus d'une fois, nouveauté capitale, les yeux fixent le spectateur. Jamais de recherche gratuite du pittoresque, mais volonté aiguë d'analyse psychologique d'un visage détaché en pleine lumière d'un fond sombre : ainsi l'Orfèvre du musée de Bucarest (vers 1430-1432 ?) ; le prétendu Cardinal Albergati du Kunsthistorisches Museum de Vienne (1431 ? Un fascinant dessin préparatoire à la pointe d'argent, seule œuvre graphique donnée avec certitude au maître, existe au Kupferstichkabinet de Dresde) ; le Thimoteos de la National Gallery de Londres, signé et daté 1432, qui serait le portrait de Gilles Binchois, musicien de la cour de Bourgogne ; l'Homme au turban, également à Londres, signé et daté 1433, souvent considéré comme un autoportrait, ce qui n'est nullement prouvé ; l'Homme à l'œillet du musée de Berlin-Dahlem (vers 1435 ? l'attribution à Van Eyck est parfois mise en doute) ; Baudoin de Lannoy vers 1435 ?), du même musée, qui porte le collier de la Toison d'or ; Giovanni Arnolfini, lui aussi à Berlin (vers 1435 ? attribution discutée) ; Jan de Leeuw (signé et daté 1436, Kunsthistorisches Museum, Vienne), membre de la guilde des orfèvres de Bruges ; Marguerite van Eyck enfin, l'épouse du peintre (signé et daté 1439, musée communal de Bruges), revêche et pudique. Le Portrait des Arnolfini(1434, National Gallery, Londres), rare chef-d'œuvre et unique exemple d'un double portrait en pied dans un intérieur, met en scène le modèle du tableau de Berlin, marchand lucquois établi à Bruges, et son épouse, au moment de leurs noces probablement : des deux personnages reflétés dans le miroir, au centre du tableau, peut-être les deux témoins, l'un serait Van Eyck lui-même, comme invite à le penser l'inscription magnifiquement calligraphiée « Johannes de eyck fuit hic ». Prodigieux microcosme en tout cas, où tous les objets symbolisent la fidélité conjugale et la présence divine, premier exemple d'une scène d'intérieur profane, thème que chériront les peintres du Nord.
Deux panneaux de Paris et de Bruges, comportant des portraits, comptent également parmi les créations majeures de Jan : la Vierge au chancelier Rolin du Louvre (date discutée ; vers 1435 ?), dite aussi Vierge d'Autun, du nom de la ville, d'où vient le tableau, montre Nicolas Rolin, chancelier de Bourgogne et futur fondateur de l'hôtel-Dieu de Beaune, à genoux devant la Vierge et l'Enfant mais placé sur le même plan qu'eux, dans un intérieur palatial ouvert en loggia sur un merveilleux paysage, fourmillant de détails et tout inondé de lumière. La Vierge au chanoine Van der Paele du musée communal de Bruges, signée et datée 1436, est un grand tableau ordonné symétriquement autour de la Vierge. L'œuvre constitue un véritable morceau de bravoure où s'opposent les matières somptueuses, orfèvreries, pierres sculptées, brocarts, métaux polis et fourrures. Le thème de la Vierge trônant dans le chœur d'une église est repris dans le minuscule et ravissant Triptyque de Dresde (signé et daté 1437, Gemäldegalerie, Dresde), avec sur les volets saint Michel, présentant un donateur non identifié, et sainte Catherine ; au revers de ces volets, l'Ange et la Vierge de l'Annonciation, peints en grisaille à l'imitation de petites sculptures[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre CUZIN : adjoint au directeur général de l'Institut national d'histoire de l'art
Classification
Média