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BENAVENTE JACINTO (1866-1954)

Jacinto Benavente - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Jacinto Benavente

Dramaturge espagnol. Jacinto Benavente fut le principal représentant de la comédie bourgeoise, qui triompha sur la scène avant l'apparition des productions poétiques d'un Valle-Inclán ou d'un García Lorca. Des dialogues brillants, mélange de cynisme et d'humour, et l'habileté de la construction dramatique caractérisent son théâtre, dégagé de la grandiloquence d'un Echegaray. Témoin des mœurs contemporaines, sa représentation de la société, dont il perçut avec acuité les préjugés et les vices secrets, reste prudente, mais ne manque pas d'ironie. Il reçut, en 1922, le prix Nobel de littérature. Sa première pièce, El Nido ajeno (Le Nid d'autrui, 1894), qui choisit pour thème l'oppression que subit la femme mariée dans la bourgeoisie, fut applaudie par la jeunesse pour la dénonciation critique qu'elle exprimait, mais dut être retirée de la scène devant l'indignation qu'elle provoqua chez les spectateurs plus conformistes. Malgré un accueil parfois réservé de la critique, le public lui resta fidèle jusque dans les années de l'après-guerre. L'œuvre (qui compte plus de cent soixante-dix pièces) est complexe, variée, de valeur inégale ; elle répond bien à l'ambition de l'auteur : « Je ne veux pas faire de comédies pour le public, mais je veux créer un public pour mes comédies. »

Dans le drame rural, Benavente évoque, de façon assez conventionnelle, les modes de vie et le parler populaire des gens de la campagne. Señora ama (Not' maîtresse, 1908) tourne autour des thèmes de la stérilité, de l'adultère, de l'amour possessif, sans parvenir à nouer l'action dramatique. Les instincts se déchaînent avec plus de violence dans La Malquerida (La Mal-aimée, 1913), drame des amours incestueuses mêlées à une intrigue policière. La Infanzona (La Noble Dame, 1945) reprend le motif de l'inceste de façon mélodramatique.

Benavente est plus à l'aise dans la « comédie de salon ». Là, il sait planter avec élégance le décor et donner vie à des personnages de la haute bourgeoisie ou de l'aristocratie madrilènes au langage châtié, aux mœurs légères, étrangers à la réalité sociale qui les entoure et qu'ils jugent de toute la hauteur de leurs préjugés tenaces. Gente conocida (Des gens du monde, 1896) ne serait qu'une pochade si l'on n'y voyait pointer le thème de la décomposition morale d'une classe imbue d'elle-même ; La Comida de las fieras (Le Repas des fauves, 1898) en révèle la cupidité et le goût du pouvoir. Dans les dialogues brillants s'ébauche un univers féroce et sans scrupule. La Gata de Angora (La Chatte angora, 1900), Lo Cursi (Le Mauvais Goût, 1901), Rosas de otoño (Roses d'automne, 1905) ajoutent quelques touches au tableau de ce beau monde frivole ou dépravé, en forçant souvent la note sentimentale et moralisante. L'auteur exploitera longtemps cette veine, décrivant avec relief et humour une société qu'il sait voir sans illusion, mais aussi en prenant garde de ne pas porter trop loin son regard critique. « N'approfondissez pas trop, disait-il, si vous creusez trop profond, tout risque alors de s'écrouler. » En effet la bonne société n'est jamais vraiment remise en question dans la suite de pièces où elle s'agite, s'amuse ou se déchire : Los Buhos (Les Hiboux, 1907), Hacia la verdad (Vers la vérité, 1908), Los Nuevos Yernos (Les Nouveaux Gendres, 1925), Y amargaba... (Tant d'amertume..., 1941), Al fin, mujer (Femme, après tout, 1941), La Honradez en la cerradura (L'Honnêteté dans la serrure, 1942).

Les pièces dites d'ambiance cosmopolite accentuent la verve ironique : dans La Noche del Sábado (La Nuit du sabbat, 1903) on voit se débattre entre leurs songeries vaines ou leurs vices mondains une faune pittoresque d'aristocrates[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Média

Jacinto Benavente - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

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