LONDON JACK (1876-1916)
Il n'est guère de destin posthume plus insolite que celui de l'œuvre déconcertante de Jack London, qui se proclamait l'écrivain le plus célèbre et le mieux payé de son temps. Les pays socialistes admirent encore le défenseur du peuple ; ailleurs on ne se souvient que du bestiaire prodigieux qu'il inventa et du secret plaisir que peut éveiller à douze ans la lecture de récits où le sang coule en abondance. Tout aussi déroutante, sa vie brève et mouvementée est à l'image d'une Amérique en pleine mutation au seuil du xxe siècle, où la classe ouvrière mène des combats d'une violence sans précédent. Très tôt, il s'engage dans la lutte contre une société dont il incarne cependant toutes les contradictions. Enfant gâté d'un public qu'épouvantent ses appels enflammés à la révolution, enfant terrible du Parti socialiste qu'afflige l'incohérence têtue de ses propos, il demeura insensible à toute critique, obstiné à la poursuite de ses chimères, et finalement incapable de résoudre ses conflits autrement que par le suicide.
L'exploration du monde
La vie mélodramatique de John Griffith (dit Jack) London débute à San Francisco. Fils naturel d'un astrologue itinérant qu'il ne parviendra pas à connaître et d'une spirite impénitente qui veut se suicider avant sa naissance, il reçoit le nom de son beau-père, London. Jamais il n'oubliera sa bâtardise, et une enfance misérable qui le conduit à l'usine dès l'âge de treize ans. Son éducation formelle se limitera à des études primaires, suivies tardivement d'une année de lycée et d'un semestre à l'université de Berkeley.
Très tôt, « l'humiliation d'être pauvre » éveille en lui cette frénésie de réussite, credo de la société qu'il dénonce : il lira tous les livres et parcourra le monde. À vingt-deux ans, il décide de devenir écrivain, comme il s'était improvisé chasseur de phoques au Japon, chemineau sur les routes du Canada et des États-Unis, chercheur d'or en Alaska. Il a découvert le marxisme, l'évolutionnisme et la philosophie allemande, il a adhéré au Parti socialiste qu'il représente deux fois comme candidat malheureux à la mairie d'Oakland. Il connaît des débuts difficiles, mais, au retour d'un bref voyage en Europe, le triomphe de The Call of the Wild (L'Appel de la forêt, 1903) inaugure une suite de romans à succès et de brillants reportages (guerre russo-japonaise, révolution mexicaine), que soulignent les scandales déchaînés par son divorce et son remariage, ses conférences révolutionnaires dans les universités et ses prodigalités extravagantes. Durant ces années de notoriété, il reprend ses vagabondages, où l'entraîne une quête inlassable d'un paradis perdu. Le dernier mirage le ramène en Californie, où il entreprend d'établir une communauté utopique et féodale qui démontrera au monde les vertus du retour à la terre. L'incendie qui détruit la somptueuse « maison du Loup » à la veille de son achèvement aura raison de son énergie, déjà entamée par l'indifférence croissante de ses éditeurs. Quelques mois avant sa mort, il rompt avec le Parti socialiste et, après une dernière croisière à Hawaii, il se suicide dans son ranch californien de Glen Ellen.
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Écrit par
- Simone CHAMBON : professeur agrégé d'anglais au lycée Fénelon.
Classification
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