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NICHOLSON JACK (1937- )

C'est avec Easy Rider, de Dennis Hopper (1969), après dix ans de carrière et une trentaine de rôles au cinéma et à la télévision, que Jack Nicholson rencontre la célébrité. Ce film-culte de la jeunesse des années 1970 et 1980 constitue un tournant dans l'histoire du cinéma américain. Il va également marquer la trajectoire de Nicholson tout autant que son personnage, alors qu'il n'y interprétait le (court) rôle de l'avocat en cavale George Hanson qu'à la suite de la défection de l'acteur Rip Torn. Dans Easy Rider, Nicholson est l'intermédiaire entre l'utopie libertaire, idéaliste, incarnée par Dennis Hooper et Peter Fonda, et un monde ancien qui aura raison d'eux. Sans franchir le pas d'une rupture improbable avec la société américaine traditionnelle et réactionnaire, il noie dans l’alcool, avec une jubilation désespérée, les ravages dus à son scepticisme et sa lucidité. Son personnage évoluera ainsi longtemps entre une décontraction cinglant avec ironie les préjugés – y compris ceux de la contre-culture –, la fuite pure et simple, et une folie aussi dévastatrice qu'autodestructrice. Celle-ci éclate en comportements excessifs, sexuellement et verbalement incorrects, voire abjects et orduriers, dont le point commun est de ne se laisser en aucun cas récupérer par la société policée ou exploiter par le « système ». Dans la même perspective, le jeu de l'acteur sera lui-même une suite de contradictions entre un excès et – plus rarement – une retenue extrêmes.

Un processus de destruction

Né le 22 avril 1937 à Neptune (New Jersey), John Joseph Nicholson, dit Jack Nicholson fréquente très tôt les milieux cinématographiques. Coursier au département animation de la MGM, il suit les cours de comédie de Jeff Corey qui l'oriente vers Roger Corman, producteur et réalisateur de films à très petit budget, et découvreur de jeunes talents. Il débute dans The Cry Baby Killer (Jud Addis, 1958) et La Petite Boutique des horreurs(The Little Shop of Horrors), de R. Corman, 1959). Outre de nombreux rôles de mauvais garçon et surtout de fade jeune premier, il collabore aux scénarios de The Trip (R. Corman, 1967), Head (Bob Rafelson, 1968) et surtout à trois films de Monte Hellman. Flight to Fury (1964), film d’aventures aux Philippines nonchalant au ton désabusé et amoral, donne à Nicholson un rôle de psychopathe prémonitoire et sur mesure. The Shooting (1966) et L'Ouragan de la vengeance (Ride in the Whirlwind, 1967) sont des westerns parfois qualifiés d’« existentiels », mais surtout « crépusculaires », où des westerners à bout de souffle sont confrontés au temps et à l’espace, à défaut d’une conquête de l’Ouest achevée. Dans le premier, Nicholson est un fascinant « protecteur-tueur », glacial et vêtu de noir, qui accomplit sa tâche avec une violence non dénuée de sadisme, mais finit la main broyée, errant dans un désert aveuglant et stérile. Dans le second, il est traqué avec deux compagnons également innocents par une milice aveugée par la haine. Pour lui, on ne survit qu’à cheval et en mouvement. Atteindre la côte Ouest, c’est perdre ses éperons, se condamner à l’immobilité et à la mort.

L'avocat George Hanson que Nicholson interprète peu après dans Easy Rider (1969) est, lui, un bourgeois alcoolique en rupture de milieu, secret, lucide, se détruisant plus par scepticisme que par désespoir. Si le jeu de Nicholson s'inspire de la méthode de l'Actors Studio par son aspect introspectif, il ignore la complaisance dans le mal de vivre que l'on rencontre parfois chez James Dean ou Marlon Brando. Le héros de Cinq Pièces faciles (Five Easy Pieces, Bob Rafelson, 1970) est lui aussi tenté par la dérive et la « vocation de l'abandon » (Michel Cieutat). Nicholson projette deux facettes de son personnage à travers les héros[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

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