NICHOLSON JACK (1937- )
La tentation démoniaque
Un pas est franchi avec le Jack Torrence de Shining (Stanley Kubrick, 1980), qui passe par tous les degrés de la dérive psychologique : schizophrène, obsédé, dément ou démoniaque. Le semi-marginal « cool » de la décennie précédente a définitivement cédé le pas à un Nicholson plus qu'exubérant, parfois comme en proie à un délire paranoïaque, dont chaque apparition à l'écran est tentée par la « performance », du Facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice, Bob Rafelson, 1981) aux Sorcières d'Eastwick(The Witches of Eastwick, George Miller, 1987). Déjà, dans The Missouri Breaks (Arthur Penn, 1976), son personnage de Tom Logan volait la vedette à Brando. L'acteur est la véritable attraction de Batman (Tim Burton, 1988) dans le rôle du grimaçant et ludique Joker. Il peut aller jusqu'à se pasticher dans un double rôle d'une parodie de science-fiction de Tim Burton, Mars Attacks ! (1996).
Bientôt, Nicholson semble ne plus représenter que lui-même, ce que laisseraient supposer ses propres réalisations, le complaisant En route vers le sud (Goin' South, 1978) et The Two Jakes (1990), piètre suite de Chinatown. Dans certains films, pourtant, il interprète un personnage humain et complexe qui découvre et fait partager la valeur de la vie, en particulier sous la direction rigoureuse de Sean Penn, où l'acteur (re)découvre la force d'un jeu sobre entrecoupé de quelques éclats : Crossing Guard, 1995 ; The Pledge, 2001. Il fait preuve d'une fascinante jubilation dans le rôle d'un mâle américain typique, séducteur septuagénaire dérisoire et émouvant, au côté de Diane Keaton, dans le mineur mais réjouissant Tout peut arriver (Something's Gotta Give, Nancy Meyers, 2003). Avec Les Infiltrés (The Departed, 2006), sous la direction de Martin Scorsese, il retrouve un rôle plus attendu de chef mafieux, tout en puissance et colère retenues, où il semble se mesurer à distance au De Niro du Parrain 1 et 2 de Francis Ford Coppola...
Mais les vedettes des Infiltrés sont les trentenaires Leonardo DiCaprio et Matt Damon. Nicholson, lui, est désormais presque septuagénaire. Il est déjà cantonné depuis quelques années dans des rôles de seniors souvent plus exaspérants ou déprimants qu’enthousiasmants. Pourtant, on n’imagine pas l’acteur assagi ou résigné. Monsieur Schmidt (About Schmidt, 2002), d’Alexander Payne, offre une version noire de Tout peut arriver : Nicholson, retraité bedonnant désorienté par la mort de son épouse volage, tente de renouer avec sa fille, mais est écœuré par la médiocrité, ou ce qu’il juge tel, de ceux qui gravitent autour d’elle. Plutôt modéré dans ses mimiques et ses gestes, l’acteur surjoue l’émotion dans cette comédie douce-amère et misanthrope sur la douloureuse reconstruction d’un homme déçu par la vie. En revanche, il cabotine plus que jamais en interprétant le rôle d’un coach psychologue brutal et désaxé dans Self Control (Anger Management, Peter Segal, 2003)... Réalisateur de Sans plus attendre (The Bucked List, 2008), Rob Reiner donne, hélas ! toute liberté à Nicholson et Morgan Freeman de se livrer à tous les excès : ni le bon goût ni la décence ne sont au rendez-vous de ce festival de cabotinage... Enfin, Comment savoir (How Do You Know, 2010), de James L. Brooks, mal reçu par la majorité de la critique et échec commercial, a ses admirateurs. Nicholson, qui n’y joue, avec les pires excès, qu’un rôle secondaire, a déclaré que ce serait là son dernier film. On l’annonce pourtant à l’affiche du remake américain du film Toni Erdmann de Maren Ade (2016).
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
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